Deux fois en une journée ! C'est le nombre de fois où j'ai entendu hier et par hasard l'affirmation selon laquelle les centrales nucléaires françaises étaient les plus sures du monde et sur un ton tel qu'aucune réponse mis à part polémique n'était possible. "Je sais de quoi je parle, je travaille chez EDF" aboya la première personne. La deuxième n'eut nulle besoin de le faire, je le savais déjà. Enfin travailler, oui d'une certaine façon, détaché d'EDF dans un syndicat de salariés, bien plus habitué au salon du Medef, des ministères, des structures de branches professionnelles que réellement spécialiste de sûreté nucléaire. Cet amateur de discours ampoulés et creux dont le but est essentiellement de parler de lui ne me rassurait à vrai dire pas. Quant à la première, le fait de travailler dans une entreprise de près de 160000 employés, comme...comme quoi d'ailleurs ? comme conseiller Dolce Vita ? comme releveur de compteur ? comme directrice d'agence commerciale ? semblait l'honorer du titre d'expert. Il était peu probable qu'elle le soit. Il n'y a pas de centrale dans ma/sa région, trop peu peuplée et classée en risque deux d'un point de vue sismique. Sur son principe, nous avons 160 000 employés d'EDF et donc autant d'experts en nucléaire sur le sol français, 160 000 personnes capables de distinguer les différents types de centrales, de vous expliquer en quoi EPR est la centrale de l'avenir tant en termes de rendement que de fiabilité et de vous démontrer, calculs de structures à l'appui, accompagnés des probabilités de conditions aux limites extrêmes des différents sites mondiaux, que les centrales françaises sont bien plus sûres que celles des autres. Je pouffe. Ces deux là m'ont surtout démontré qu'ils avaient un sens critique à la communication interne de leur entreprise digne de Bouvard et Pécuchet - non pas le Bouvard de la radio, un autre.
Que mes amis croyants me pardonnent, j'ai eu l'impression de parler à des religieux tendance intégriste, ceux que le doute n'effleure pas. Alors que quelques faits devraient nous pousser à réfléchir : le fait que des écologistes soient entrés dans des centrales par exemple sans laisser-passer et heureusement sans explosif ; le fait que les français construisent des centrales à l'étranger et donc des centrales, elles-mêmes sures et plus récentes que les nôtres dont certaines auraient du être arrêtées depuis quelques années et qui fonctionnent donc en mode dégradé comme on le dit si bien dans l'industrie, ce mode qui précède de peu le mode héroïque mais qui est certainement très éloigné aux yeux des milliers d'experts d'EDF, du mode sacrificiel utilisé à Fukushima ; le fait que quelques syndicalistes dénoncent la maintenance de certains sites a minima par des entreprises de sous-traitance.
D'un point de vue purement logique, je ne vois pas comment nos plus vieilles centrales pourraient être plus sûres que la dernière construite par AREVA, EDF... dans un pays client. Et là comment faites vous la moyenne française pour la comparer aux autres ? Il est peu sage de faire une moyenne arithmétique. D'imaginer qu'entre une centrale de vingt an avec un risque de 1 pour 1000 et une neuve de 1 pour 1 000 000 vous ayez un risque de 1/ 500 500. Non, si vous regardez l'ensemble du parc comme un système, la probabilité de défaillance du système est celle du maillon le plus faible pour parler comme Darwin à la télé. Enfin je suppose. Certes je suis très peu crédible car je ne travaille pas à EDF. Même pas comme standardiste. Et je n'ai fait de calcul de probabilité de défaillance que le sujet de ma thèse doctorale (tout ce texte pour faire le fanfaron pffff). Toujours est-il que dans ce débat, j'ai l'impression d'entendre surgir d'outretombe la voix du Général Bazaine avant la défaite de Sedan "Nous allons gagner parce que nous sommes les plus forts" (citation de mémoire à vérifier). Ce moment étrange où la conscience nationale prend des allures de commentaires sportifs.
En tous cas, si j'avoue que je ne sais trancher sur la nécessité de conserver le parc nucléaire français en activité, n'ayant pas les compétences pour cela, une chose me paraît claire sur cette question en cohérence avec le propos de certains écologistes : un débat serein est impossible aujourd'hui en France.
L'effleurement du doute
J'aime les fleurs du doute
Ces fleurs légères qui s'écoutent
Et vous amènent à inspirer
Les parfums de l'altérité
Ces fleurs qui poussent aux cols
Et ne sont d'aucune école
Un point de vue pour admirer
La plaine et les plus haut sommets.
Ces fleurs précieuses des lisières
Qui colonisent les clairières
Et qui donnent de si bons fruits
Fraise, myrtilles et cramberries.
Protégées de la lumière ardente
Comme de la nuit permanente
A savourer un peu contrit
D'aimer les nuances de gris.