Ainsi se plaignent certains intellectuels, regrettant les
beaux discours des temps anciens qui ont laissé place aux diatribes. Certes le
débat n’a pas volé haut mais qu’attendait-on ? Je n’ai pas regardé le
débat du second tour, je n’en avais pas le besoin. La mécanique électorale
implique que les idées énoncées lors de ce second tour ne peuvent être au mieux
que des trahisons. N’est-il pas sage de notre part de le savoir et n’en
attendre rien, la réalité des acteurs pendant les années précédentes n’est-elle
pas une source d’opinion bien plus cohérente, efficace que celle des programmes
et des discours ? Les candidats ne le savent-ils pas eux-mêmes, eux qui ne jouent que sur l'émotion durant ce sprint ?
Nous avons vu Benoit Hamon, reprocher pendant le quinquennat
Hollande sa trahison des idéaux du Bourget. Mais à qui faut-il faire un
reproche ? A François Hollande qui en leader politique efficace a élargi
sa base pour gagner les élections et pour mener une politique certes différente
de celle énoncée au Bourget mais toujours
plus proche de celle souhaitée par les électeurs que celle qu’aurait menée son concurrent
ou à Benoît Hamon suffisamment crédule pour croire des propos de 15 jours,
comme si M. Hollande allait changer de point de vue sur le monde en raison des
visions ultra connues des 10% d’électeurs qu’il avait besoin de rallier pour
être élu ? Soit M. Hamon s’est montré crédule et il n’est pas digne de
confiance, la crédulité étant rédhibitoire dans ce monde de communication, soit
sa crédulité était feinte, et ses positions de frondeur étaient identiques en
nature à celle de M. Hollande au Bourget, des postures ne servant qu’à exister dans
la masse des députés socialistes alignés derrière leur chef. Il est difficile
de trancher, tant la crédulité des hommes est forte et qu’elle n’a peut-être qu’un
seul égal, celui de leur ego. Le désastre a eu lieu, une partie du PS a joué au
frondeur avec le frondeur, les autres ont trouvé plus frondeur qu’Hamon en
Mélenchon, la logique des actions de Hamon durant 5 ans s’est appliquée à son destin et l’a amené à la solitude
de l’ego incapable de se taire pour écouter, incapable de considérer la réalité
et d’en accepter la réalité, au coin comme un pauvre enfant puni.
De même le donneur de leçon, M. Fillon s’est vu donné la
leçon à son tour. Déniant une légitimité à ceux dont le casier judiciaire n’était
pas immaculé, la logique de Fillon lui a été appliquée quand il s’est avéré que
son honnêteté des temps passés était douteuse. La déroute a été moins lourde pour M. Fillon certainement
probablement parce que nombre d’électeurs savaient avant même qu’éclate le
Pénélopegate qu’attendre d’un homme politique, et plus encore du premier
ministre de M. Sarkozy pendant 5 ans, qu’il soit totalement honnête était
illusoire et que sa prétendue blancheur était un effet de manche. Fillon sali mais réel
leur paraissait préférable parce qu’étant réaliste, il était capable de
défendre un réalisme économique et ce que Sens Commun – comme son nom l’indique
- considère comme un réalisme social.
Dans les deux cas, l’idéalisme benêt ou feint s’est
autodétruit. Restaient 3 réalismes, celui de Mélenchon : pour enrichir à
court terme les plus pauvres, prenons aux riches, celui de Le Pen :
mettons dehors un certain pourcentage de pauvres – sélectionnés sur leurs
origines et le pourcentage de pauvres baissera mécaniquement et celui de M.
Macron : travaillons, à défaut de nous rendre plus riches, cela nous occupera
et nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise. Il va sans dire que les
deux premiers sont odieux et creux et qu’en évoquer la mise en pratique revient à
apparaître pour ces leaders ce qu’ils sont, dangereux. Cela est apparu
clairement avec le ridicule des propositions de Le Pen, sur l’euro.
Alors n’en déplaise à certains intellectuels qui regrettent
les discours creux du passé, ceux de Chirac sur une fracture sociale qu’il n’a jamais
réduite, ceux de Mitterrand sur la victoire de l’emploi, lui qui n’a vu le
chômage qu’empirer, cette campagne a débattu longuement et passionnément sur la
place de l’idéal et du pragmatisme en France et l’élection de M. Macron, ni
idéaliste de droite, ni idéaliste de gauche, mais réaliste de tout bord et opportuniste
de conviction clôt jusqu’à un jour prochain ce débat de fond, tout comme les
observations scientifiques ont clos les spéculations chrétiennes sur l’ordonnancement
du ciel, tout comme la fin de l’empire
soviétique a clos les débats sur la réalité du caractère inéluctable de la
dictature prolétarienne bien plus sûrement qu’aucun débat d’intellectuels. N’en
doutons pas d’autres théories et idéaux vont naître qui seront un jour validés
ou écartés par la réalité qui est plus surprenante et riche que notre
imagination, le débat des faits étant toujours plus riche que celui des idées.