jeudi 15 juin 2017

Partie de campagne




Ainsi se plaignent certains intellectuels, regrettant les beaux discours des temps anciens qui ont laissé place aux diatribes. Certes le débat n’a pas volé haut mais qu’attendait-on ? Je n’ai pas regardé le débat du second tour, je n’en avais pas le besoin. La mécanique électorale implique que les idées énoncées lors de ce second tour ne peuvent être au mieux que des trahisons. N’est-il pas sage de notre part de le savoir et n’en attendre rien, la réalité des acteurs pendant les années précédentes n’est-elle pas une source d’opinion bien plus cohérente, efficace que celle des programmes et des discours ? Les candidats ne le savent-ils pas eux-mêmes, eux qui ne jouent que sur l'émotion durant ce sprint ?

Nous avons vu Benoit Hamon, reprocher pendant le quinquennat Hollande sa trahison des idéaux du Bourget. Mais à qui faut-il faire un reproche ? A François Hollande qui en leader politique efficace a élargi sa base pour gagner les élections et pour mener une politique certes différente  de celle énoncée au Bourget mais toujours plus proche de celle souhaitée par les électeurs que celle qu’aurait menée son concurrent ou à Benoît Hamon suffisamment crédule pour croire des propos de 15 jours, comme si M. Hollande allait changer de point de vue sur le monde en raison des visions ultra connues des 10% d’électeurs qu’il avait besoin de rallier pour être élu ? Soit M. Hamon s’est montré crédule et il n’est pas digne de confiance, la crédulité étant rédhibitoire dans ce monde de communication, soit sa crédulité était feinte, et ses positions de frondeur étaient identiques en nature à celle de M. Hollande au Bourget, des postures ne servant qu’à exister dans la masse des députés socialistes alignés derrière leur chef. Il est difficile de trancher, tant la crédulité des hommes est forte et qu’elle n’a peut-être qu’un seul égal, celui de leur ego. Le désastre a eu lieu, une partie du PS a joué au frondeur avec le frondeur, les autres ont trouvé plus frondeur qu’Hamon en Mélenchon, la logique des actions de Hamon durant 5 ans s’est appliquée à son destin et l’a amené à la solitude de l’ego incapable de se taire pour écouter, incapable de considérer la réalité et d’en accepter la réalité, au coin comme un pauvre enfant puni.

De même le donneur de leçon, M. Fillon s’est vu donné la leçon à son tour. Déniant une légitimité à ceux dont le casier judiciaire n’était pas immaculé, la logique de Fillon lui a été appliquée quand il s’est avéré que son honnêteté des temps passés était douteuse. La déroute a été moins lourde pour M. Fillon certainement probablement parce que nombre d’électeurs savaient avant même qu’éclate le Pénélopegate qu’attendre d’un homme politique, et plus encore du premier ministre de M. Sarkozy pendant 5 ans, qu’il soit totalement honnête était illusoire et que sa prétendue blancheur était un effet de manche. Fillon sali mais réel leur paraissait préférable parce qu’étant réaliste, il était capable de défendre un réalisme économique et ce que Sens Commun – comme son nom l’indique - considère comme un réalisme social. 

Dans les deux cas, l’idéalisme benêt ou feint s’est autodétruit. Restaient 3 réalismes, celui de Mélenchon : pour enrichir à court terme les plus pauvres, prenons aux riches, celui de Le Pen : mettons dehors un certain pourcentage de pauvres – sélectionnés sur leurs origines et le pourcentage de pauvres baissera mécaniquement et celui de M. Macron : travaillons, à défaut de nous rendre plus riches, cela nous occupera et nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise. Il va sans dire que les deux premiers sont odieux et creux et qu’en évoquer la mise en pratique revient à apparaître pour ces leaders ce qu’ils sont, dangereux. Cela est apparu clairement avec le ridicule des propositions de Le Pen, sur l’euro. 

Alors n’en déplaise à certains intellectuels qui regrettent les discours creux du passé, ceux de Chirac sur une fracture sociale qu’il n’a jamais réduite, ceux de Mitterrand sur la victoire de l’emploi, lui qui n’a vu le chômage qu’empirer, cette campagne a débattu longuement et passionnément sur la place de l’idéal et du pragmatisme en France et l’élection de M. Macron, ni idéaliste de droite, ni idéaliste de gauche, mais réaliste de tout bord et opportuniste de conviction clôt jusqu’à un jour prochain ce débat de fond, tout comme les observations scientifiques ont clos les spéculations chrétiennes sur l’ordonnancement du ciel,  tout comme la fin de l’empire soviétique a clos les débats sur la réalité du caractère inéluctable de la dictature prolétarienne bien plus sûrement qu’aucun débat d’intellectuels. N’en doutons pas d’autres théories et idéaux vont naître qui seront un jour validés ou écartés par la réalité qui est plus surprenante et riche que notre imagination, le débat des faits étant toujours plus riche que celui des idées.