vendredi 22 mars 2013

Le beau marché de Lacenaire

Au vertus qu'on exige du peuple, connaissez-vous beaucoup de maîtres qui soient dignes d'être valets.
Beaumarché - le barbier de Séville

J'ai appris qu'une de mes amies au boulot était arrêtée pour dépression. Dans ce service, cette fonction, c'est au moins la troisième à tomber. Elle est mère de deux enfants, a de très jolis yeux verts et est poète à ses heures. L'avant dernière a tenté de faire reconnaître son burn-out comme accident du travail, que nenni a répondu l'organisme de controle : il n'y a pas de fait accidentel. L'incompétence managériale n'est pas encore sur leur liste, pas plus que l'incurie administrative. C'est bien dommage.

La complainte du salarié 

Salut Patron, je lis ton document 
Sur la motivation et l’engagement 
C’est sûr, je ne suis pas euphorique 
Je suis comme toi, je viens pour le fric 
Avec mon BTS, Agent de maintenance 
C’est vrai, ce n’est pas toujours Byzance 
Mais si tu veux, on signe un contrat 
Je t’assure tu ne le regretteras pas. 
J’m’engage et tu t’engages aussi 
À me faire grimper dans la hiérarchie 
J’ai plein d’élan vers l’excellence 
Pour peu d’avoir de la reconnaissance. 

Mais hors de question d’être chef d’équipe 
Je te l'ai dit, j’viens pour le fric 
Les emmerdes sans rémunérations 
C’est pour les types sans ambitions. 
Je veux un métier sans compétence : 
Tu jactes, tu causes sans conséquences 
Si tu proposes un poste de cariste 
À un manchot unijambiste 
A qui ira-t-il donc se plaindre 
C’est chez nous qu’il viendra geindre. 
Patron, pour toi c’est pas l’arrache 
Un geste, fais-moi donc DRH. 

Je suis retors, je suis pervers, 
Et dans le tordu, je persévère 
J’peux pas blairer les syndicalistes 
Ces gros niais d’idéalistes 
Sauf les cadres et la CFDT 
Qui signent là où on leur dit de signer   
Jamais avare d’une compromission 
Toujours prêt à la collaboration, 
Pour ne plus avoir à travailler 
Avec les potes de l’atelier 
Je vendrais mon âme dans du journal, 
Fais-moi nommer aux relations sociales. 

Cadre groupe, là y a un peu de pognon 
Les primes avec les stock-options 
Pas tous des aigles et loin s’en faut 
Y gueulent fort, mais n’volent pas haut. 
Si un salarié part en sucette 
Aucune chance que l’on t’embête 
Le fichier de ses entrées-sorties 
J’saurai en faire des confettis 
J’saurais soudoyer la police 
Pour ne pas aller en justice 
Tu réfléchis, et tu hésites 
Mais si, je saurai être chef de site 

Je sais n’être jamais satisfait 
Même si je suis le mieux payé 
Voyager, serrer des mains 
Et sourire comme un mannequin 
Promettre « Pas de plan social » 
Tout en signant l’édit fatal 
Toujours exiger plus et sans honte 
Mentir et falsifier les comptes 
Planquer du fric aux Caïman 
En gardant un air innocent, 
Allez un bon geste, une grâce 
Patron cède moi donc ta place. 

Tu sais bien porter des valises, 
De Paris jusqu’à la Frise 
Et faire des promesses vaines, 
Et faire déporter des roumaines, 
Ficher les gamins des écoles 
Pour un simple tube de colle, 
Tu sais bien draguer des fascistes, 
Et tenir des discours racistes 
Allez, je te le fais court 
Je serai ta Bettancourt 
Si tu m’aides, la vérité si je mens 
Je t’aiderai à devenir Président. 


Librement inspiré de "la pétition d'un voleur à un roi voisin" de Pierre-François Lacenaire

dimanche 17 mars 2013

La vie moderne

La bataille de l’égo 


Pauvre chevalier Occidental
Plus d’héroïsme dans tes batailles
Plus de charge, plus de courage
Plus besoin d’en appeler à la rage.
Te voilà seul avec ton égo
A n’être plus qu’un numéro
Ton Grand-père l’a été avant toi
Il en a plus bavé, crois-moi.
Mieux vaut être à la world Compagnie
Qu’à la tête d’une compagnie
Montant à l’assaut de Verdun
Dans le froid du petit matin.
Arrête donc de t’exciter 
Reconnaît ta médiocrité,
Reconnaît qu’elle n’est pas si mal
Ta vie que tu juges banale,
Et savoure donc ce petit blanc
Dans ton jardin, dessus le banc
Où te rejoint ton épouse, câline
Pour y admirer la colline.  

mardi 12 mars 2013

Invitation sur commande

Invitation 

Je n'en dors plus, j'en salive 
De vous d'humeur plus lascive 
Plus folâtre encore qu'à l'ordinaire 
Pour enfin ne plus toucher terre. 

Et me griser au vin de vos lèvres   
Ne plus avoir en vain la fièvre
En admirant vos si belles courbes
 
Quand heureusement elles se découvrent, 

Voir si vos traits d'humour 
Savent aussi bien parler d'amour 
Et m'emporter dans ce si beau pays
Que j'aime tant, votre fantaisie.
 

Mais tant pis si votre esprit ne badine 
Quand nous irons à la cantine 
Pendant une semaine et quelques jours 
J'aurai rêvé de toi, mon amour. 

vendredi 8 mars 2013

les cendres après la braise

Crépuscule 

Chaque vers est une épitaphe
Chaque poème, un cénotaphe
De mon amour, triste fantôme
A l’air morne et monotone.

 
Comme un enfant dessus la grève
Dresse des tours qui se désagrègent
Je donne au vent mes pauvres rimes
Qui sombrent aussitôt dans l’abîme

 
Ah mon pauvre et chaud souvenir
Tu as bien cessé de m’éblouir
Et sous ton soleil couchant
L’ombre s’étire infiniment. 

 
La nuit m’invite déjà au silence
Des mots ,que s’achève la danse
Mais ne sachant vraiment rien faire d’autre
Je pleure sans fin mes amours mortes.