L'idéalisme a encore frappé. L'idéalisme de la race arienne a donné le
nazzisme, celui du partage des moyens de production a donné le communisme.
L'idéalisme est un poison de l'esprit humain. L'idéalisme phanstamatique est
celui qui vous pousse à cracher sur l'être que vous aimez parce qu'il (elle
pour moi en l'occurrence) ne correspond pas à une gravure de mode, une star, un
people. Comme le chante si bien le poète "Nous avons pour plaire à la brute
digne vassal des démons, insulté ceux que nous aimons et flatté ceux qui nous
rebute" (Charles Baudelaire).
J'ai la chance de participer à une formation où je côtoie beaucoup de
trentenaires. Pour la première fois depuis mon lycée privé où j'ai dû supporter
quelques fils de bourgeois ultraréac, je rencontre des gens qui disent nous, en
parlant du Front National. Des trentenaires qui refusent de soutenir les partis
de démocrates parce qu'ils mentent aussi. Et j'ai peur... je croyais que le
même rempart qui a maintenu Le Pen père hors des pistes de la république en
2002, le ferait aussi pour sa fille en 2017, que les gens si ils avaient le
choix entre un parti certes peu vertueux et un parti marchant aux
hallucinogènes (retour de la retraite à 60 ans, 200 euros de plus par mois pour
les bas salaires pour un pays ruiné, rien de plus facile... pour ne reprendre
que les plus récentes élucubrations de Mme Le Pen), choisiraient le moins pire.
Je crains que nous n'ayons plus cette sagesse et qu'aujourd'hui si on nous
donne le choix entre la peste et un gros rhume, le pays est prêt pour la peste,
simplement parce que nous n'avons plus l'intelligence de supporter un gros
rhume.
La démocratie n'est pas un système parfait, surtout pas la démocratie
française, mais de là à ne pas souhaiter y participer parce que cela veut dire
cautionner un système défaillant et laisser parvenir le pire - les
extrêmes - au pouvoir est le signe d'une crise intellectuelle et morale
calamiteuse. Ces "jeunes", adultes, parents, sont des enfants gâtés
qui ne se sont battus pour rien, si ce n'est pour eux-mêmes, dans un combat
certes très difficile contre le chômage mais pour rien d'autre qu'eux-mêmes.
Ils n'ont pas investi les partis, les syndicats pour changer leurs modes de
fonctionnement. Ils sont en dehors du monde et n'ont même pas conscience que le
monde va les rattraper. Ils attendent que le monde change comme Apple sort un
nouveau Ipad, sans effort, sinon celui de l'acheter. Ils n'ont aucun espoir de
changement, aucune solution mais sont prêts à l'aventure pour leur pays - un
pays où vivent leurs enfants - simplement parce qu'ils ne se résignent pas à ce
que la vie soit non pas le choix du meilleur, mais le choix du non-pire. Comme
ils n'ont pas le paradis, ils se persuadent que l'enfer leur sera indifférent.
Pauvres enfants gâtés, où avez-vous vu que les hommes politiques devaient
être honnêtes, ils se battent comme des chiens pour eux et accessoirement leurs
idées et certains pour leurs idées et accessoirement pour eux. Où avons-nous vu
que les hommes politiques étaient moins vertueux que ceux que nous côtoyons
dans nos entreprises, qui truquent les bilans, font des campagnes publicitaires
"respectueuses de l'environnement" pour des produits polluants,
marchent sur leurs collègues pour monter. Ils sont l'exacte réplique de la
société. Qui peut réellement se prévaloir de vivre dans une microsociété plus
vertueuse que celles des politiciens ? Qui n'a pas une amie s'étant faite
larguée par un tweet. Je ne vote pas par certitude de l'honnêteté d'un tel ou
d'une autre. Comment le saurai-je ? Qui peut sans s'étoufer croire à l'honnêteté de Mme Le Pen, son père, peut-être ? Je vote, me basant sur mes
connaissances historiques, qui ont démontrées qu'il n'y a rien à attendre des
extrêmes que du sang, de la boue et des larmes.
Le mensonge est un des fondements de la vie en société. Appelons le la
gestion de la communication, ou la gestion des émotions, les nôtres et celles
de notre interlocuteur. Nous ne devons la vérité qu'à ceux qui ont une
légitimité à l'obtenir et encore avons-nous le droit de gérer nos émotions. Il
n'est pas utile de répondre à la femme qu'on aime, qui nous demande "A
quoi penses-tu ?" la vérité suivante "La jeune femme qui passe est
juste craquante" et d'autant moins si notre conscience du ridicule, de la
chienlit que constitue l'adultère, ferait que même notre femme absente, nous
irions non pas aborder la jeune femme en question, mais rêver à notre
merveilleuse épouse en contemplant dans un musée ou une cathédrale, des
représentations de la femme absolue : la vierge Marie - pur phantasme et mère
et vierge, phantasme totalement inintéressant d'ailleurs pour l'homme moderne,
mais qui a donné les plus merveilleuses représentations qui soient, conscient que l'idéalisme doit rester au rang du rêve et de l'art. Rien ne
nous oblige à cette vérité désagréable pour la femme aimée car elle n'a aucune
utilité. Le mensonge, la gestion de la communication est nécessaire à l'amour,
à l'amitié, aux relations humaines, à la politique...
Et ce n'est pas un problème. La vie est comme cela et il nous faut
l'accepter. Être adulte, être responsable, c'est travailler sa lucidité et
accepter le réel. Et répondre réellement, sur notre faiblesse et notre petite
liberté et utiliser ce peu de liberté, la seule chose dont nous soyons responsables.
Ce n'est pas faire "d'une imperfection du monde", qui est en fait un
équilibre éthique difficile à trouver entre le besoin de gérer des émotions
primaires et le besoin de confiance et donc de vérité, un problème, comme un
enfant fait un drame d'un rien par manque de recul. Car il n'y a pas de
solution. Un problème qui n'a pas de solution, n'est pas un problème, c'est une
contrainte. A court terme, il nous faut faire avec.
La mort est une très vieille contrainte de la vie, elle a été transformée en
problème. Certains lui ont inventé une solution : les religions, qui elles,
pour le coup se sont réellement transformées en problème. Il est infiniment
plus sage d'accepter notre insignifiance et notre finitude, que d'inventer des
utopies - une démocratie parfaite - dont nous savons qu'elles se transforment
toutes en enfer.
Si vous croyez vraiment que Mme Le Pen va apporter des solutions, votez pour
elle - jusqu'à preuve du contraire, elle respecte les institutions - mais
choisissez, ne vous comportez pas comme des enfants boudeurs, déçus de n'être
que ce que vous êtes ! Presque rien. Car nombreux restent ceux qui veulent vous
transformer de presque rien, à rien. Dans ce presque, il y a tout un infini et
beaucoup du plaisir de vivre.
Dimanche, faites un choix, le vôtre, allez voter.