vendredi 19 mai 2017

Le chien, la corneille et Le rossignol



Un chien d’humeur joviale
En sa promenade matinale
Rencontra dame corneille
Vêtue de noire comme une vieille,
L’œil sombre, les ailes basses
« Ne pensez-vous donc pas qu’on trépasse,
Pour aborder ce jour, dernier  peut-être
Trottinant, gai, l’esprit en fête.
Etes-vous donc si insouciant
Ou du monde si indifférent,
Pour aller de si belle humeur
Quand tout ici-bas n’est que malheur ? ».
« C’est bien vrai que la vie est courte,
Hier ! La mère du maître a pris la route,
Je m’en vais sans penser à elle,
Qui me donnait mon écuelle,
Parfois un os à ronger,
Une caresse, un coup de pied…
Je reconnais ma légereté
Mais je m’en vais m’amender
Prendre la vie avec le sérieux
Qu’il convient aux gens consciencieux ».

Et repartent les deux compères
La queue basse et la mine amère,
Se racontant d’un air docte
Les plus tristes anecdotes.
 
Ils croisent un rossignol, sautillant
A petits pas, sifflant, chantant
L’amour, la joie, le printemps,
De sorte qu’en un bref instant
Le chien durement l’interpelle :
«  Assez, tête de linotte, sans cervelle
Vous troublez de vos inepties
La profondeur de nos mélancolies. »

« Pleurez si vous le si le cœur vous en dit
De nous trois, j’ai la plus courte vie,
Hier un chat mangea ma mère,
Et j’ai perdu mon plus jeune frère.
Vos malheurs sont donc bien légers
Pour arriver à y penser.
Je chante tant que j’en ai le temps
Pour me distraire un instant.
Du peu de temps que j’ai en ce monde.
Que j’aime au mieux chaque seconde.
Que changerait que je pleure aussi
De la dureté de notre vie,
Est-il souhaitable que je l’empire
Du souffle de mes soupirs. »
Et le rossignol haussant les épaules
Repris son chant et son envol
Les nigauds silencieux
Du regard se dire adieu. 

Le plus triste n’est pas Le moins joyeux,
Ni le plus profond, le plus sérieux
Et quoiqu’en dise l’adage
Le plus heureux est le plus sage.  

J’ai toujours été étonné de cette expression « un imbécile heureux ». En effet les personnes les plus imbéciles que j’ai croisées avaient des vies de vrais imbéciles, de personnes prenant des décisions ineptes. Et d’ailleurs, quand je me dis « Quel imbécile, je suis », c’est rarement dans mes moments de bonheur. Le bonheur demande souvent beaucoup de formes d’intelligence…     
   

vendredi 12 mai 2017

Plaidoyer pour la galanterie



J’ai entendu dans un repas deux femmes fustiger la galanterie décrite comme l’apanage des Français et des Italiens et non des Allemands, preuve s’il en est que la galanterie est une procédure sexiste indissociablement liée au machisme et aux sociétés inégalitaires. C’est aller bien trop vite en besogne à mon goût. Certes il est indéniable que la galanterie, une attention particulière portée aux femmes qu’elles soient ou non désirables ou désirées, ce qui la différencie de la cour ou de plus populairement de la drague, est sexiste. C’est un comportement qui est lié au genre de son destinataire. Est-ce à dire qu’il est lié à un comportement machiste, à savoir d’un homme persuadé de la supériorité de son genre, j’en doute. Les pires machos sont très souvent complètement dénués de galanterie. 

En tout premier lieu, il convient de considérer que le constat de départ est totalement partiel et inexact. La société Allemande n’est pas égalitaire. Elle est égalitaire avec les femmes qui n’ont pas d’enfants. Tant que la femme n’a pas d’enfant, c’est un homme comme les autres. Dès qu’elle assume sa fonction spécifique, il n’en est plus de même. Etrange égalité. Il suffit d’avoir fréquenté quelques allemandes pour savoir que la guerre des sexes en Allemagne, n’est pas une plaisanterie. L’égalité a probablement été trouvée en Allemagne sur un équilibre particulier : les allemandes ne font plus d’enfants et le peuple allemand se renouvelle par l’immigration. Ainsi le peuple Allemand se transforme certainement plus vite qu’aucun autre, aux profits de cultures venues du sud dont le machisme est proverbial. Les évènements du jour de l’an 2016 et la prise de conscience qui a suivi, sont peut-être le signe que cet équilibre est instable.

De la même façon, que fait-on des Espagnols, dont la galanterie n’a pas été soulignée mais dont le machisme est probablement du niveau des autres pays latins que sont la France et l’Italie. Que fait-on du pourtour méditerranéen du sud, sociétés sexistes s’il en est et probablement bien plus que la France et l’Italie mais où la galanterie est probablement une notion totalement absente ? Associer le machisme et la galanterie ne revient-il pas à associer les productions de lait et de vin parce que il se produit de bons vins et de bons fromages en France et en Italie. J’ai peu de connaissance en œnologie mais hélas, les vaches ne donnent pas du vin.

D’où vient le mot galanterie ? Alain Rey, dans son dictionnaire étymologique, nous dit que cela vient de wala signifiant bien ( donnant well, wohl) ou de wallare – s’élancer, bouillonner, donnant galéjade – une plaisanterie méridionale, tout autant que le galant, s’élançant après les femmes. La galanterie est multiple, du vert galant, obsédé sexuel du XVIe siècle, amateur de femmes objets, au galant homme, poli et raffiné du XVII-XVIIIe, dont Marivaux a probablement peint l’archétype, il y a un fossé immense. Comme si l’homme européen de ce temps avait fait le voyage psychologique de Roxane dans Cyrano de Bergerac : « de sorte que toi-même l’emporte sur toi-même, et ce n’est plus que pour ton âme que je t’aime », voyage que fait tout amoureux. Car dans les pièces galantes de Marivaux, je pense au « jeu de l’amour et du hasard », les femmes sont les égales des hommes, recherchant la même chose, utilisant les mêmes stratagèmes, ayant le même droit de choisir leur conjoint… la pièce est conçue comme un miroir, la femme et l’homme n’étant différents que comme deux reflets le sont, la main droite devenant la gauche. Dans ce jeu, la galanterie est une ruse de l’honnête homme, celui qui prend acte de la réalité, celui qui comme Montaigne constate les capacités des femmes, renvoie les misogynes à la malhonnêteté de leur procédé – vos femmes ne sont ignorantes que dans la mesure où vous les éduquez pour qu’elles le soient. Cette ruse consiste à aller à l’encontre du discours dominant sans aller au combat frontal contre la foule immense, combat perdu d’avance. Puisque l’amour me permet de distinguer un être au-dessus des autres et que cela m’est permis, mimons l’amour – qui saurait faire le vrai du faux dans ce jeu-là - pour toutes les femmes qui sont injustement traitées. Comme l’escroc prend l’habit de l’honnête homme pour tromper son monde, l’honnête homme, le philogyne (féministe en mieux) prend l’habit du vert galant pour le transformer en habit de galant homme et transforme ainsi le désir en agapè, l’amour profane en amour universel.

Bien, mais pourquoi pas l’Allemagne ? Peut-être est-ce la place de l’amour en France, société machiste certes mais où le symbole féminin est partout et aimé : le guerrier national français ? Jeanne d’Arc bien plus que Bayard, le peuple de gauche ayant son reflet en Louise Michel, La plus haute statue de France : La vierge du Puy-en-Velay, ou la Liberté éclairant le monde donnée aux Etats-Unis, Le tableau français : la liberté menant le peuple, la République : Marianne, le saint protecteur de la France : Marie, le scientifique du siècle aux 2 prix Nobel : Marie Curie – merci aux polonais – bien sûr, il nous manque le président de la république et nombre d’autres réalités qui permettraient de dire que le machisme est derrière nous, mais les faits précédents sont aussi des faits à prendre en compte. 

Quelle place tient l’amour dans les sociétés Françaises et Italiennes par rapport à l’amitié et par rapport aux autres sociétés ? Les êtres humains ont des besoins sociaux et sexuels. Ils peuvent les assouvir l’un en société et les autres en couple, mais selon quel équilibre ? Entre le cercle, le club et la famille, quel est l’équilibre dans les différentes sociétés ? Quelle conception prédomine entre « un seul être vous manque et tout est dépeuplé » et « une gonzesse de perdue, c’est 10 copains qui reviennent ». Selon le cas, les comportements changent du tout au tout. Que l’amour, soit l’Affaire de la vie, et les hommes partent à sa recherche et déploieront une galanterie de prévoyance – surtout ne pas mal débuter avec l’amour qui vient toujours sous des traits inattendus. Que l’amour ne soit que la concrétisation d’une pulsion sexuelle emballé dans un contrat social propre à l’accueil d’un enfant et autant paraître tel que l’on est de manière à ce que le contrat soit le plus sain possible. Recherche-t-on le différent qui vous surprend, vous émerveille ou le commun qui vous rassure. Vit-on dans une société familiale et mixte, les hommes vivant avec les femmes, l’amour servant de base ou dans une société communautaire, les hommes vivant à côté des femmes, chacun dans leur sous-groupe, ayant leur propres occupations ? Peut-être la galanterie est plus affaire de cette question que de celle des inégalités entre les sexes. C’est une hypothèse qui me convient en tous cas davantage.
  
Aimant les femmes, voulant continuer à vivre au milieu d’elles, je continuerai donc à me montrer galant, charmant, à écrire des poèmes s’ils me viennent et à les envoyer, à faire des compliments aux femmes, mais aussi aux hommes dont la finesse et l’intelligence font qu’ils auraient mérité d’être des femmes. Et tant pis pour celles dont les analyses sont trop superficielles pour comprendre que le sexisme, s’il est positif, curiosité de l’autre parce qu’il est autre, philogynie et non misogynie, est bien plus intéressant que l’indifférence rationnelle, car cette indifférence a le goût de la loi tant prisée par les allemands, de la mécanique, de la mort. Ce n’est pas que la mort m’effraie, mais en homme libre, je préfère y penser le moins possible – suivant ainsi Spinoza – et me consacrer à des pensées plus agréables comme la beauté, l’amour, la vie, choses qui ont toutes à voir, pour moi, avec les femmes.