jeudi 5 avril 2012

Acidités

Acidités


Je suis plutôt de gauche mais pas fier de l’être pour autant. Récemment j’ai croisé des gens de gauches qui m’ont un poil agacé : le directeur de la future école de mon fils, qui passe en CP et que nous souhaitons avec le soutien de l’équipe de professionnels et d’éducateurs qui s’occupe de lui, maintenir dans un cursus classique. Et mon brave directeur, également adjoint au budget de la mairie de gauche de souligner le coût de la mise aux normes de l’école, de parler de la difficulté pour un professeur d’accepter un autre adulte dans sa classe – l’aide de vie scolaire de mon fils – la pression difficile à gérer pour l’enseignante liée à la mission spécifique de lui apprendre à lire. Certes le maître actuel a aidé à relativiser en disant que cet apprentissage pourrait être sur plusieurs années pour Olivier, c’était gentil de sa part mais à la réflexion j’aurais aimé la relativisation inverse : il n’est pas improbable que celui qui aura les plus grandes difficultés pour apprendre à lire ne sera pas Olivier, parce qu’Olivier est enthousiaste dans tous les apprentissages qu’on lui propose, qu’apprendre à lire pour lui est un besoin évident, son environnement familial est rempli de livres, qu’il réclame son histoire tous les soirs… Olivier est sage, gentil, souriant comme très peu d’enfants. Son ancienne maîtresse nous a dit un jour « j’en voudrais trente comme lui ». Non, celui qui gênera le plus la classe et qui n’apprendra pas à lire, c’est plus probablement le gosse brutal, grossier, élevé par des Trolls dans des valeurs de violence et de rapport de force où le savoir ne compte pour rien. Mais lui parce qu’il marche sur ses deux jambes, lui a sa place à l’école alors que mon fils, pas automatiquement, nous devons la demander et entendre avant même qu’ils n’apparaissent les jérémiades sur les problèmes qu’il va poser.
Plutôt que d’entendre le coût de la mise aux normes d’accessibilité pour mon fils, j’aurai trouvé plus décent qu’un homme de gauche s’excuse qu’aucune école de sa commune ne soit aujourd’hui aux normes et qu’il est temps que cela soit fait. Plutôt que d’anticiper la difficulté d’accepter une autre adulte dans la classe – l’horreur absolue ! collaborer !  on anticipe la joie d’avoir aidé un enfant à gagner en autonomie et sur le seul terrain où il aura peut-être la chance d’être à l’aise : le savoir !
Etre progressiste, être poète, être philosophe, être artiste, être scientifique tout cela me paraît cohérent, ce n’est ni plus ni que s’interroger sur le point de vue que nous portons sur le monde, d’où il sera le plus beau, le plus prometteur, le plus porteur de sens. Être de gauche dans un monde de droitiers, c’est aussi cela, mais cela semble bien oublié.

Inversion de regard

Le maître d’école est en détresse
Il doit transmettre son savoir
A un enfant dont la faiblesse
L’empêche de se mouvoir,
Mais en aucun cas de sourire,
De rire et de manifester
Sa volonté d’apprendre à lire,
De vivre dans la gaîté.
Je les regarde et m’interroge
Mes yeux ne sont-ils pas trompés
C’est le plus faible qui regorge
De la plus ferme volonté.
Quelle est cette force qui affaiblit ?
Ce savoir qui sème le doute ?
Quelle perte d’énergie
Quand un esprit par trop s’écoute.

Et Le maître s’émeut et gémit
De cette tâche qui lui échoit
Sans percevoir la chance qu’il a
De gagner un maître de philosophie.

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