René Girard parle de désir mimétique, ce désir né de l’imitation humaine sur laquelle se construit le langage puis la culture, qui tourne rapidement à la jalousie, au désir rival qui finit par engendrer la violence. Il faudrait également parler du rejet mimétique, son pendant. Ce rejet qui s’opère non parce que l’objet est rejetable mais parce qu’il a été rejeté par autrui. Le rejet mimétique de ce qui n’est pas dans le canon de la beauté est d’emblée dans la violence et est la violence ordinaire, violence symétrique d’ailleurs sur le rejeté qui est la première victime et sur le rejetant qui se fait violence à suivre un chemin qui n’est pas le sien. C’est un sacrifice dans le sens où nous renonçons à nous même mais cela ne donne pas au sacrifié un statut divin. Ceci a été merveilleusement exprimé par Baudelaire dans l’examen de conscience : « Nous avons pour plaire à la brute, digne vassal des démons insulté ce que nous aimons et flatté ce qui nous rebute. »
Pour qu’il y ait des beaux, il faut qu’il y ait des laids, sauf si au lieu de penser le groupe comme une communauté de sentiments, nous le pensons comme une somme d’individualité de sentiment et si nous laissons ces individualités s’exprimer. J’ai déjà fait ces expériences au milieu d’hommes ne trouvant rien à leur goût, laissez une place à la liberté en exprimant la possibilité du bien, du beau, sans le nommer, sans l’enfermer dans un exemple « Je ne suis pas d’accord, je connais plein de gens formidables, plein de belles femmes » et aussitôt les exemples fusent. Paradoxalement ou plutôt avec cet équilibre magique propre à la vie, la liberté de parole s’enseigne aussi par l’exemple via l’imitation. La liberté s’imite elle aussi, encore une jolie vérité paradoxale.
Pour exprimer la multiplicité de la beauté plastique et plus encore quand on connaît le travail des peintres pour animer un tableau, statique par essence, i.e pour exprimer l’âme de leurs modèles, nous pouvons nous baser sur l’incroyable richesse de la peinture : brune, blonde, rousse, ronde, mince, enfant, femme, vieillarde, riche, pauvre. Le seul dénominateur commun : le regard bienveillant de l’artiste et du spectateur. La beauté est dans le regard. L’artiste dans ce cas élude la violence née de la différenciation, différenciation des admirés et des méprisés : il y a des beaux et des laids ! Non il y a essentiellement des beautés différentes, celle que vous ne voyez pas, je vous la montre ! Il est dans ce cas dans une fonction sacrificielle, « je rends sacré l’objet regardé ». Il pose ce même regard que posait Jésus sur la si petite offrande de la veuve « Elle a donné le plus, car elle a donné son nécessaire là où les autres n’ont donné leur superflu ».
Invitation d’automne
Ne nous feriez-vous l'aumône
D'une heure de vos charmes
Troubler nos vies monotones
Mettre nos cœurs en alarme,
Qu'ils tremblent et qu'ils palpitent
Comme dans ces musées
Où d'incroyables pépites
Se retrouvent amassées.
Je ne saurais dire laquelle
Sera l'unique, la Joconde
De vos sourires, les étincelles
Ne durent que quelques secondes.
Ni quelles associations
Les trois grâces couronnant Flore
Nous changeront de saison
Le printemps venant d'éclore,
Qui donc en se retournant
Rappellera de Vermeer,
Une perle étincelant,
Une beauté douce-amère.
Je pourrai à l'infini
Évoquer tous les tableaux
Qui par leurs harmonies
Chantent le divers et le beau
Alors faites-nous donc l'aumône,
Vous ne savez votre magie
Et vos beautés de Madones
Nous porteront en Paradis.
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