Décidément l'age fait des ravages. Un des mes amis - catholique et depuis toujours de droite - m'a interpelé récemment en me reservant une ressucée de la pensée de Randolph Bourne « Si tu n'es pas idéaliste à vingt ans, c'est que tu n'as pas de coeur. Si tu l'es toujours à trente, c'est que tu n'as pas de tête. » (merci internet, j'étais persuadé que c'était de Clémenceau) en m'affirmant qu'à quarante ans, je devais désormais comme lui être de droite.
Outre qu'il est parfaitement inexact que mon ami n'ait jamais eu de coeur bien qu'il fut toujours de droite - il a servi pendant une quinzaine d'années dans le service public avant d'aller s'enrichir dans le privé mais non pas par appat du gain mais par dégoût - et je le comprends pour y avoir goûté moi même - de la nullité managériale qui y règne, il est également parfaitement inexact qu'être de gauche c'est être idéaliste. Si nous nous replaçons dans le contexte de M. Bourne, c'est à dire avant 1918, la sécurité sociale, les congés payés, la retraite, les instances sociales (CE), l'abolition de la peine de mort, le vote des femmes, l'égalité des droits, l'accès à l'université pour une part importante d'une génération, la personnalisation juridique et psychologique des enfants... étaient considérées à cette époque comme de l'idéalisme insupportable de gauche. Hors il convient de reconnaître que bien des gens se définissant de droite aujourd'hui serait d'extrême gauche à l'époque de Bourne, et non pas parce qu'ils seraient des idéalistes sans tête mais parce qu'au contraire ils savent que le monde d'aujourd'hui est possible. Bien sûr les idéalistes d'extrême gauche de 1918 pensaient que seul un mouvement révolutionnaire de type soviétique permettrait cette mise en place de progrès sociaux. Ceci est vrai pour une part, la peur du communisme n'est pas pour rien dans la mise en place de telles avancées en Europe et la chute de l'URSS s'est effectivement accompagnée d'un durcissement de la société, les riches néolibéraux comme Mme Tatcher n'en ayant plus peur. C'est dire si ces progrès ont été payé au prix fort, le prix de la peur d'un soi disant idéalisme.
De mon point de vue sur les siècles précédents, les progressistes - dit de gauche et non les sanguinaires de l'extrême gauche - avaient raison. Il est plus agréable, plus stable de vivre aujourd'hui avec tous les mécanismes de solidarité nationale qui existent qu'au 18e ou 19e siècle. Les émeutes des banlieus ne sont rien face aux émeutes populaires du 19e où les morts se comptaient en milliers. Ils ont raison parce qu'ontologiquement leurs pensées découlent le la sociabilité de l'homme, l'homme n'est homme qu'en société, un homme riche seul, n'est rien, riche n'a pas de sens dans la solitude. Dans la société, il lui est vital de payer la paix sociale remise en cause par les avantages qu'il possède soit en payant directement des sbires pour le protéger - modèle néolibéral sans état - soit en payant l'état qui légitimera sa richesse par sa contribution via l'impôt au bien être de tous. C'est par pur idéalisme que les libéraux d'aujourd'hui prétendent que l'optimisation locale des richesses est plus intéressante que son optimisation globale. N'impote quel mécanicien vous le démontrera mathématiquement. L'idéalisme de gauche, réalisme de droite ne sont pour moi que des préjugés au même titre que la caractère plat de la terre.
Je comprends parfaitement pourquoi mon ami est de droite, fils de pauvre de droite, il a travaillé et ne doit sa réussite pense-t-il qu'à lui seul et qui veut faire les mêmes sacrifices que lui peut obtenir les mêmes avantages, ce qui est vrai en partie, tout ne serait affaire que de volonté et de travail et l'impôt qu'une entrave des travailleurs pour financer les bons à rien. Néanmoins cela n'a été possible que dans la mesure où son métier a été protégé par un numérus clausus et qu'au moment de ses études les droits d'inscriptions à l'université lui étaient accessibles, ce qui pourrait changer si un programme de droite dure comme en Angleterre était appliqué en France au prétexte que la communauté n'a pas à financer les études des individus et leur enrichissement futur sans songer que toute étude est une prise de risque qui rapporte, quand elle rapporte, en connaissance à l'ensemble de la communauté. Restreindre l'accès à l'université à ceux dont les parents ont les moyens, n'est pas oeuvre d'une justice sociale mais la consolidation de la ploutocratie via sa main basse sur le savoir.
De même j'ai une raison bien plus viscérale d'être de gauche qu'une vision historique que je ne développe que pour lui répondre le plus intelligemment possible. Je suis de gauche parce que je me suis construit sur le savoir, incongru où que je sois, indifférent ou presque à beaucoup de ce qui anime la plupart des hommes, les bâtiments que j'ai le plus hanté sont les bibliothèques, l'objet que j'ai le plus utilisé - hors la fourchette et le couteau et le lit - le livre et cela reste vrai malgré mes quarante ans. Gagner plus m'indiffère à peu près hormis si cela touche un principe de justice - à travail égal... - une carte de bibliothèque coute 6 € par an et il m'importe plus de vivre dans un pays en paix sociale pour pouvoir lire tranquille que de pouvoir changer ma voiture plus souvent. S'organiser mieux pour vivre heureux ensemble me paraît un slogan plus intéressant que "travailler plus pour gagner plus" avec l'argent comme seul horizon de vie. Par ailleurs j'ai eu le plaisir de faire 8 mois de chômage et la vision de fainéant qu'en développe la droite m'apparait quelque peu déformée. Une de mes amies ingénieure et docteure sort de deux ans d'inactivité, et cela l'a beaucoup touchée tout comme moi avant elle, si elle avait pu ne pas y goûter, tout comme moi, elle l'aurait fait. De même ayant l'avantage d'être le père d'un enfant qui ne parle presque pas et ne marche pas à 5 ans, je me vois mal adhérer aujourd'hui à une idéologie de type "Chacun pour soi et Dieu pour tous", à moins de commencer par étoufer mon fils avant, et vu la beauté de son sourire, je ne suis pas prêt d'y arriver. En lâche et en faible, je compte donc sur la solidarité nationale pour m'aider dans ma tâche parentale. Si comme il est probable, je meurs avant lui, cela est par ailleurs inéluctable. Il est donc probable que je reste de gauche encore quelques temps. Cela n'a pas grand chose à voir avec l'âge.
M'étant construit sur le savoir, amoureux de littérature, poète à mes heures, on peut également comprendre que certaines positions de M. Sarkozy m'ont attristé. Je ne crois pas que je voterai pour lui, a moins que je prenne un sacré coup de vieux.
La princesse de Clèves
Le prince est intervenu
La princesse n'est plus bienvenue.
Elle est trop vieille et dépassée
Le prince et la cour se sont lassés.
C'est l'heure de sa mise au placard
Prière de ne pas faire d'histoire,
On le savait, c'était écrit
En amour, c'est de mal en pis.
Et la princesse de Clèves pleure
Ce désamour et son malheur.
Le prince a bien des soucis
Il part en pèlerinage au Puy
Sur cette pierre de 2000 ans
Il conjure l'injure des ans
Il évoque les évangiles
Sait-il ce pauvre édile
Qu'ils sont d'une édition plus vieille
Que celle de la Princesse de Clèves.
Et la princesse de Clèves pleure
Ce désamour et son malheur.
Le prince de l'incohérence
Préside au royaume de France.
L'intelligence n'a pas d'age
Il n'en connaît pas l'adage,
Il n'a pas attendu d'être agé
Pour être bête à en pleurer.
Vivement que son règne s'achève
Relisons la princesse de Clèves
Et le pauvre peuple pleure son
Prince qui est le roi des C....
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