mardi 29 novembre 2011

L'impulsion

L’impulsion

J’ai commencé par raconter l’acte de reconnaissance de mon état de poète, être appris par des enfants dans une école. Ingénieur, j’avais besoin d’être légitime comme poète avant de m’exposer sur la toile, mais je n’ai pas raconté l’impulsion qui me semble pourtant porteuse de sens sur ce qu’est la poésie.
Imaginez-vous au milieu de 50 collègues invités par vos soins, avec un individu, Michaël, votre filleul en entreprise, brillant, plein d’humour, apprécié de beaucoup, qui vous assène un discours où toutes vos particularités sont gentiment brocardées et qui se termine par « Chris, tu es le seul homme que je connaisse, qui prétende aimer les femmes pour leurs esprits ». À ce moment-là, vous avez plusieurs solutions.
La première est de ne pas relever et de laisser cette étiquette si classique de bite-sur-patte collée au front de l’ensemble des hommes présents et de femmes objets sur celui des femmes. Ceci n’est absolument pas raisonnable. Ni les uns ni les autres n’ont mérité cela et vous ne les avez pas invités pour qu’ils se fassent insulter, même avec le sourire et dans le sous-entendu.
La seconde est de contester cette affirmation péremptoire. Malheureusement dans un milieu masculin comme la mécanique, dans notre société moderne où les références sexuelles sont omniprésentes, le risque d’être traité d’hypocrite, de menteur, de niais, est extrêmement important. La moindre approximation peut déclencher le rire et à ce jeu la caricature sera toujours gagnante.
Si vous n’êtes pas trop niais justement, vous avez entendu venir la caricature avec ses gros sabots et vous avez pu vous préparer. Comment exprimer la beauté des femmes qui vous entourent sans provoquer le rire ? En utilisant le langage fait pour exprimer la beauté : la poésie. Celles des grands de préférence. Il y a toujours un écho poétique chez quelqu’un. Pour ne pas être trop long, je  me suis restreint à mes plus proches collègues :
  • Bopha, charmante femme d’origine asiatique, m’a toujours évoqué la seconde strophe du « serpent qui danse » de Baudelaire, l’évocation du levant, du voyage,
  • Muriel, jolie blonde aux yeux clairs qui m’était presqu’inconnue, me soufflait des vers de Musset,
  • Agnès superbe de douceur que j’avais connu dans la peine « Sois sage, ô ma douleur ».
  • Manquait Christelle, danseuse ravissante qui avait pourtant tourneboulé nombre d’individus.
Mais pour elle, pas de référence car la poésie française s’intéresse peu aux danseuses. Je ne pouvais pas être injuste et en laisser une de côté. « Aide toi, le ciel t’aidera. » J’ai essayé de l’écrire moi-même et l’ai récité en y mettant le ton.
Pendant la récitation, il y a eu quelques interjections, d’étonnement, de surprise. À la fin de ce poème, il y a eu un silence, comme si des choses importantes avaient été dites. Il y avait de l’eau dans certains regards. Michaël a réagi plus tard, en me disant la mine un peu contrite « Toi seul a la puissance de faire ça », ce qui n’est pas plus vrai que la fin de son discours car nous avons tous la puissance de témoigner de nos véritables idées, nos expériences, mais cela le dédouanait surtout de sa soumission à l’idée qu’il se faisait du groupe. Si nous ne défendons pas nos idées et les gens qui nous sont chers, qui le fera ?
Certains m’en ont parlé à l’occasion, plus que la folie nécessaire pour le faire, ils en ont perçu l’énergie et la cohérence. J’ai appris ce jour-là, qu’il est possible d’aller très loin dans l’expression du sentiment, de la pensée à condition d’y mettre la forme et cela m’a servi dans des moments plus douloureux.
La poésie n’a pas pour vocation de mettre un petit ornement à la vie, mais bien d’en exprimer la beauté, la profondeur, la puissance, de se battre contre les préjugés pour se défendre et défendre ses valeurs, ses précieux. Vu l’énergie et le travail qu’elle demande, elle tient plus de l’art martial que de la dentelle.  
 

La lumière du tableau

Vous prétendez, des femmes mesurer la beauté
Et c’est en centimètres que vous l’évalueriez,
Vous vendriez au poids les statues du Bernin
Les toiles de maître ? Comme du papier peint !
Ma muse n’est pas d’accord et me dicte à l’oreille
Cinq strophes maladroites pour quatre sans-pareilles
Afin de souligner que les femmes, ô merveilles
D’avec trois fois rien notre vie ensoleillent,
Que la beauté surtout est affaire de vision,
Non celle d’un désir, mais d’une contemplation.
Mais si elles se trompaient sur mes intentions
Et allaient m’en vouloir de mes déclamations.
Oh, je fais confiance en leur intelligence,
Elles verront dans mes vers ce qu’il y a d’innocence
On peut de l’harmonie aimer une chapelle
Sans pour autant vouloir en profaner l’autel.
Pour mon pauvre filleul, je veux être parrain
Le hisser sur les pointes de pieds d’alexandrins
Afin qu’il détache ses yeux de leurs rondeurs
Et admire des femmes enfin la vraie splendeur
La vraie richesse, l’âme, la lumière intérieure.
Ami, cessons d’entre nous la lutte fratricide
Écoute de notre service l’

Ephéméride.

Telle l’aube annoncée par le chant des oiseaux
Les rires la précèdent en leurs brefs échos
Puis Aurore réveillant de ses longs doigts rosés
La nature engourdie dans les plis de la nuit,
Elle frôle les esprits de sa belle ironie.
Humour, charme, grâce, tout est ici osé
Pour magnifier du jour la première lueur
Et faire d’un Bonjour, la plus douce des heures.
Et mon bureau s’éclaire d’un sourire  lumineux  
Que surlignent gaiement les arches de ses yeux
Par ma porte entrouverte, je vois poindre Bopha
Et le soleil se lève pour la seconde fois.  

Sur ce visage, pas d’ombre, de la franchise,
L’or. Tout s’y lit, l’ennui, l’envie, la méprise
L’énergie, la gaîté comme en un livre clair  
Parfois un sourire fuse. En un éclair
Tout s’embrase, crac, le feu suit l’étincelle
Qui jaillit brusquement dans les yeux de Christelle
À cet instant, Elle a, la beauté de l’enfance
Dont seules peuvent se parer les âmes innocentes
De l’heure de midi juste, la lumière éclatante,
D’un âge d’or antique sous un ciel de Provence
Que seuls viennent troubler les discrets bruissements
Des feuilles de l’Olivier(1) caressées par le vent
   
Agnès, ma belle Agnès, ne sois pas impatiente
Laisse-moi te parler de ces moments perdus
Ces histoires déjà mortes et pourtant palpitantes
Attend, Agnès, attend, j’attends l’heure suspendue
Où le soleil à l’ouest, n’est que braise orangée
Consumant les volutes que tracent à la sanguine
Des nuages élimés que le vent amine
Où au levant la nuit descend calme et bleutée
J’attends l’heure complice où le ciel te ressemble,
Où l’or de ton regard au roux soleil s’assemble,
Où ta douceur, du soir souligne l’harmonie
Pour calmer mon angoisse et ma mélancolie.

Comment chanter une beauté que je ne connais pas
De quelle étoile es-tu, Muriel, de quelle loi ?
Serais-tu de Venus, la première au couchant
Que les prêtres renomment étoile du Berger
Croyant par cette ruse enfantine en ôter
Tous les charmes, invincibles pourtant
Es-tu de la nuit noire, de la grande Ourse ?
Une amie des poètes, d’inspiration la source.
De la belle Artémis, cette farouche vierge
La lune en diadème, de la nuit le cierge.  
A moins que d’Hadrien (2), Tu n’aies pris le modèle  
Athéna, Le stoïcien n’avait d’yeux que pour elle
N’importe, Comme toute femme un mystère, si beau,
Un rêve doux et blanc tel le lait de ta peau,
Doré comme le miel de ta chevelure,
Un sanctuaire secret que scelle la Nature
Semblable en tout point à la terre promise,
Canaan, qu’au Sinaï, a tant rêvée Moïse
Que tous les philistins rêvent d’assujettir.
Mais que Josué seul, aura su conquérir.

Adieu et Merci,  
J’aurai vécu heureux entouré de vos grâces,
Goûtant parfois ému, à ce trop rare miracle
Voir, Entouré d’aveugles, et le temps d’un café
La course du soleil sur un pays rêvé.

(1) Nom de son conjoint
(2) Nom de son fils

vendredi 25 novembre 2011

Les chemins de la connaissance

Décidément, ce blog, c’est le bazar. J’ai quelques jolis poèmes sous le coude, quelques histoires intéressantes à raconter, j’entre pas à pas dans le sujet – les masques. Et plaf, une muse passe et je me disperse, plutôt une muse m’envoie un mail, me téléphone, je n’ai même pas besoin de la voir et tout se mêle : l’adoption d’un chaton, la beauté de l’automne, mes réflexions sur le doute et la foi, sur l’équilibre dynamique nécessaire à la vie… Quel bazar ! Que vont comprendre mes rares lecteurs ? Et mes enfants ? Car j’ai bien l’intention de les aider à éviter les masques en leur donnant un jour accès à ces petits poèmes. Évidemment, ils préfèreront vraisemblablement admirer l’écume du jour, mais sait-on jamais. De toute façon, il faut essayer. Mais que vont-ils comprendre à ce bric-à-brac.
Oh, ils s’y promèneront peut-être comme aujourd'hui, lorsque nous sortons, percevant non seulement le paysage déployé devant eux mais admirant aussi le caillou, le lichen, la branche cassée échouée dans le fossé…Finalement, ce n’est pas si mal ce foisonnement, comme si le blog reprenait les motifs foisonnants des poèmes, de la vie même… Oups
 
Stop ! Allons plutôt nous promener, avec Frédéric, mon amimuse du jour. Hé oui, l’amitié à un genre linguistique mais pas de genre réel, pourquoi la poésie en aurait un ?
 
Mon ami

Allons promener au jardin
Nous y causerons un brin
Simplement, en bras de chemise
De la douceur de la brise,
 
De la somptuosité des roses
Aux mille pétales encloses
Et des mille difficultés
Rencontrées pour les cultiver.
En marchant sur le gazon
Pour mieux sentir sous nos talons
La souplesse de la terre
Nous irons jusqu'à nous taire.
 
Et sous le cerisier en fleur
Dans son ombre et sa fraicheur
Nous évoquerons la volupté
Qui succède à la beauté.
Les premiers pétales qui tombent
Nous rappelleront que la tombe
Malheureusement attend
Même le beau et le charmant.
 
Mais nous nous souviendrons aussi
Que le tour que nous faisons ici
N'est certes pas le premier
Vraisemblablement pas le dernier.
 
Ce plaisir qui se donne à nous
Est bien sûr d'autant plus doux
Que ce n'est pas la première fois
Que nous marchons toi et moi
 
Dans ces allées semées de fleurs
Qui nous grisent de leurs odeurs
Où nos souvenirs embellissent
Les arbres fruitiers qui fleurissent.

Ainsi ce qui est achevé
Ne l'est jamais tout à fait
Tant qu'un de nous verra le jour
Nos sourires vivront toujours.
 
Quand disparaîtra  le dernier
Plus personne pour nous regretter
Un autre printemps viendra
Le cerisier refleurira.

mardi 22 novembre 2011

Douter de sa foi ? Non, avoir foi dans le doute.

Vous avez peut-être remarqué que j’effectue une petite recherche personnelle sur les vérités paradoxales, c'est-à-dire équilibrées, celles qui contiennent deux propositions radicales entre lesquelles il nous faut trouver notre propre équilibre en fonction de nous, de nos corps – malades ou non – de notre culture, de notre situation sociale, afin d’atteindre un équilibre global, statique sur les sujets qui ne sont pas sources de conflits internes ou externes et dynamique sur les sujets non encore résolus dans le but d’augmenter les moments de bonheur pour moi et pour mes précieux, parents, amis et pourquoi pas inconnus. La recherche d’un équilibre et statique et dynamique, voilà un semblant de paradoxe mais qui ressemble à la vie même constituée de phase de déplacement et de repos.
Par ailleurs pour toucher au bonheur, la confiance est nécessaire mais l’esprit critique, le doute aussi. Ainsi pourrait-on résumer cette pensée : J’ai confiance dans le doute, ou son principe inverse, je doute de la confiance. Les deux sont recevables mais je retiendrai la première proposition qui contient une impulsion positive comme premier argument. La vie s’inspire souvent de la première impulsion, les motifs cristallins, fractals se répètent à partir du premier motif, en minéralogie, en biologie, en science humaine. Marx ne disait-il pas que la nature des échanges économiques conditionne la mégastructure idéologique – si j’ai bien compris M. Onfray.


Une collègue minaudait ce matin, oscillant entre flatterie et compliment entre vérité et mensonge. J’aurais pu la transformer en chipie. Etant poète, j’ai préféré la changer en muse. L'impulsion est prépondérante.    


Le poète Midas

Me prend-elle pour une souris
A mélanger les flatteries
Et les compliments mérités
Mêlant mensonge et vérité.

S'agace-t-elle de mon ego
Moi comme tous, sans égaux,
Ni modeste ni condescendant
Si commun mais si différent.

Mais j'attraperai cette chatte
Sans qu'elle me donne un coup de patte
Et la prendrai sur genoux
En la caressant dans le cou,

Je la ferai ronronner,
Heureuse de se laisser aller
Mes doigts glissant dans sa fourrure
Je savourerai ses murmures,

Ou pas,

Et tant pis si elle s'échappe
Vulgairement parlant, je m'en tape
Heureux de la voir sauter
Dans sa féline féminité,

Toujours heureux, quoi qu'il m'arrive
Sur l'eau ou bien sur la rive,
Faisant or de tout ce que j'écoute,
Dans le savoir ou dans le doute.

lundi 21 novembre 2011

Le mâle masqué

Il arrive que dans la multinationale où je travaille, le personnel change de poste. Cela donne lieu à des petits déjeuners ou des apéritifs où quelques petits discours sont faits sur la personne sur le départ. Cela m’est arrivé. Comme je suis légèrement décalé en termes de valeurs, de centres d’intérêt par rapport aux autres ingénieurs et chefs de projets alentours, j’ai eu droit ce jour-là à un petit discours très intéressant d’un de mes collègues pour me signifier à quel point j’étais un être improbable. Je me souviens du point de conclusion « Tu es le seul homme affirmant qu’il aime les femmes pour leur esprit ».Je n’ai jamais dit une chose pareille, mais plus précisément que la beauté était une résonance psychologique agréable d’une personne pour un objet ou une personne. Ce qui est intéressant, c’est que le même homme m’a ultérieurement avoué qu’il était tombé amoureux d’une femme simplement en lisant des lettres sur internet. Lorsque je l’ai interrogé sur la raison pour laquelle, il tenait en public des positions plus triviales et usuelles sur la beauté féminine – mesures en cm sur certaines parties du corps pour être plus clair – plutôt que de partager une telle expérience, il répartit aussitôt : « Tu es fou, ce n’est pas le même public ». Une partie des mâles sont masqués et fort mal masqués. Serge Gainsbourg, qui en portait un fort laid d’érotomane alcoolique, a d’ailleurs dit : « J’ai mis un maque il y a 20 ans, maintenant je n’ai plus la force de l’enlever ».
Une de mes amies a vécu avec un de ces individus, intelligent, prévenant, gentil mais qui en public se transformait en acteur soiffard vulgaire et grossier. Il lui avoua qu’elle était la seule femme avec laquelle, il se sentait en paix et libre, avec qui il pouvait parler. Mais il l’a finalement quittée, incapable d’abandonner son masque. Je n’irai pas jusqu’à dire que les hommes sont les premières victimes du machisme, ce serait indécent, mais je crois qu’ils le sont également :

Le macho

Je cache ma beauté comme une faiblesse
Je te tairai mes pleurs, mes élans de tendresses
Tu n’auras de moi qu’un masque ridicule
Pour sourire qu’un rictus, une laide ridule

Je ferai devant tous d’immondes insultes
Je vouerai au porno un véritable culte
Je passerai des heures devant des jeux idiots
Faisant de footballeurs de véritables héros

À mes proches, amis, je donnerai mon fiel
Ma vie se passera dans ce triste théâtre
Caveau de marbre noir solide comme le plâtre

Donnant aux inconnus ce qui ferait leur miel
Les vers qui m’émeuvent, ne me sont arrachés
Qu’ivre mort, quand ma peur dans l’alcool s’est noyée.

samedi 19 novembre 2011

AVIDES !

« L’avidité rompt le sac » dit un proverbe espagnol. La perte d’équilibre entraîne la chute, quel truisme ! Pourtant il me semble que nombreuses sont les illustrations de cette évidence aujourd'hui : illustration écologique, économique, amoureuse, sociale, politique… J’ai écrit ce poème face aux appétits d’un syndicat allié aux volontés hégémoniques un peu trop exacerbées. Il irait tout aussi bien à la direction de mon entreprise qui quoique fortement bénéficiaire s’interroge sur comment l’être davantage et peut-être à moi-même qui ai repris des lasagnes aux carottes hier au soir :

L’appétit

Se peut-il qu’il soit si hideux
Le spectacle de tes yeux
Avec lequel tu attaques
Les mets qui sont sur la table

Pas un mot avant de t’asseoir
Tu n’irais pas jusqu'à surseoir
Un instant ton coup de canine
Dans cette chair diaphane, fine.

Tu romps la chair et le pain
De tes grosses et larges mains
Laissant d’amples tâches de graisse
Sur tes cuisses qui s’affaissent.

Ah quel spectacle odieux
De te voir si radieux
D’avoir comblé pour un instant
Tes plus bas et sales instincts

Nourriture, sexe ou pouvoir
Qu’importe ce qui te fait mouvoir
A ton absence de retenue
Tu seras toujours reconnu.

Partout tu seras toujours seul
Et jusqu'à l’heure du linceul
Car tu n’as pas conscience d’autrui
Quand te mène ton appétit.

Il te faudrait la présence
D’une idée, de l’élégance
Te faire prendre un peu de recul
Et t’amener jusqu'au calcul.

C’est en toi qu’il te faudrait chercher
Ce qui enfin te comblerait
Sinon comme tant bien avant toi
Ton appétit te dévorera !

jeudi 17 novembre 2011

Répartissons les efforts

En cette période de disette, il nous faut nous serrer la ceinture. Étant français, je suis un nanti – par rapport à la moyenne de la population mondiale, cela ne souffre aucune discussion. Qui plus est, étant donné nos revenus, ma femme et moi, nous sommes des nantis parmi les nantis. Oh ne phantasmez pas, nous gagnons moins de la moitié à nous deux qu’un ami de mon épouse qui est parti exercer son art dans le privé. Nous sommes nantis certes mais moins que nous pourrions l’être si nous avions le sens de l’entreprise ou si mon épouse acceptait de faire un travail à l’encontre de ses valeurs – le romantisme à un coût. De même, j’ai peut-être perdu des capacités de nantissement en faisant du syndicalisme au lieu de me consacrer pleinement à ma carrière – le romantisme coûte décidément bien cher. Donc je suis un nanti qui ne l’a pas fait exprès, un peu honteux d’être nanti mais satisfait de l’être car il est agréable de ne jamais s’interroger si ses enfants vont manger le soir, ni où ils vont dormir. D’ailleurs nous sommes prêts à l’être davantage, car l’agrément du nantissement est bien plus fort que sa honte – enfin chez une partie de la population dont il faut exclure Saint François d’Assise, Mère Thérésa, l’abbé Pierre et tant d’autres figures magnifiques du don de soi… Mais ils seront nantis au Paradis et pas nous, bien fait !
Aujourd'hui notre plus grand risque de perdre notre statut de nantis est la séparation – risque très fiable néanmoins, je crois. L’angoisse est tout de même présente car étant culturellement inapte à la cuisine – mes parents ont complètement raté mon éducation de ce point de vue et je mets une heure et demie à faire un quatre quart, car mélanger le beurre et la farine, sans avoir fait fondre le beurre c’est très long, ceci étant une des blagues familiales sur le sujet - si je perds mon épouse, la question lancinante « mes enfants vont-ils manger ce soir ? » se posera une semaine sur deux. Donc préservons nous du plus fort risque de récession, de la perte de notre statut de nantis, luttons contre la hausse des séparations en répartissant l’amour équitablement.
Voici mon programme, contrairement au gouvernement, je maintiens les biens culturels à un faible taux car la femme du poète n’est pas obligatoirement poète. Il faut savoir orienter les efforts.    


Taxe


Je te taxerai mon amour sur tout ce que tu aimes,
Sur toutes tes amours, je prélèverai ma part

Sur ton amour des bois, des forêts, des frênes
J'en veux mon écot, vois donc en moi le chêne
Qui protège ta vie contre les mauvais vents
Vois dans mes sourires la branche qui frissonne
Et cliquette le soir dans un chant apaisant.

Sur nos enfants ma douce, en harpagon fieffé
J'y prétends de 50, à moi la part du lion
A y prendre moins il faudra que je meure
Si tu veux m'en ôter, prend soin de me tuer
De peur que d'amant, je me change en dragon.  
         
Sur les instants cachés, sur toutes tes pudeurs
Sur ta peaux de soie, ta belle chevelure
Sur tes yeux de saphirs, tes lèvres de rubis
Et le vin enfin que je bois à ta bouche
J'en veux un bon tiers car c'est affaire de luxe.

Les 2 tiers sont à toi. Fais en ce que tu veux
Mais saches ma princesse qu'en bon avaricieux
Si j'accapare pour moi un peu de tes richesses
J'accepte volontiers tes dons et tes largesses
Surtout s'ils sont faits à titre gracieux  

Mais pour la poésie, ce bien si culturel
Cette prise de chou, cet ennui, cette mort
Je ne te prendrai rien, ou si peu
5 pourcents, pas plus, Il faut bien t'inciter
Beaucoup pour en avoir un peu.

mercredi 9 novembre 2011

Beauté présente

Nous pouvons vivre dans le regret du passé et la peur de l’avenir mais nous pouvons également vivre dans le souvenir ébloui du passé, l’espoir dans l’avenir et la beauté du présent. Bien entendu, le passé est ce qu’il est, mais mon esprit à tendance à l’enjoliver et c’est bien. Quant à l’avenir, son terme mettra fin aux inconvénients qu’il y a à vivre, c’est donc bien aussi. Et quant au présent, il y a toujours les semelles de vent dont peut se chausser notre esprit. En vivant la maladie et la mort de nos proches, il peut nous arriver d’attendre, d’attendre un examen, la fin d’une thérapie. Mais il arrive que ce temps d’attente soit le dernier, pouvons-nous le vivre ou pas, pouvons-nous éviter de nous consommer dans l’anxiété ou pas ? Et comment ?
Cherchant une date de Rendez-vous avec une amie qui ne venait que fort tard, elle plaisanta sur le temps d’attente et sa « nécessité », j’avais par ailleurs une envie folle de faire un poème sur l’automne, sa diversité sa beauté et son embrasement, je vous laisse juge si ce poème est une déclaration d’amour à une femme, une saison, ou à la poésie. 
     

Rêve d’Automne
 

Plus de dix jours sans la voir
Sans même croiser son regard,
Cette attente me tourmente
Je tourne, j’erre, je me lamente
Comme le vent à ma fenêtre
Qui grince, murmure et tempête
Agitant les arbres des champs
Pour en accompagner son chant.
 
Me laisserai-je désespérer ? 
Non, Je vais plutôt la rêver,
La parer de soies multicolores
D’un bleu d’aube liseré d’or
Du rouge vif d’un merisier
La flamme jaune du peuplier
Ou la braise cendrée du hêtre
Tranchant du buis la robe verte,
Comme si ses formes divines
Étaient semblables à des collines
Que l’automne pare et enflamme
Comme sa beauté brûle mon âme.
Je savourerai ainsi mon attente
Dans cette vision crépitante
Sachant qu’elle sera finie
Avec l’automne et sa poésie.
 
Car elle sera professionnelle
Froide et conventionnelle,
De gris, de blanc ou de noir vêtue,
Le long hiver sera venu.
À moins que pour me réchauffer
Je brûle dans ma cheminée
Ce bois dont j’ai tant rêvé...

lundi 7 novembre 2011

Jeu d'enfant

J'étais sur les hauteurs d'Ille sur Tet, admirant la plaine du Roussillon et la tramontane soufflait. C'est incroyable ce qu'elle avait comme rythme. De quoi inspirer Brassens et Trenet et même moi. Je saisis mon carnet, note deux vers et "Papa, qu'est-ce que tu fais ?" "Un poème" .... "moi aussi écoute :

"En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde...

Tu m'aides à faire la suite, papa, S'il TE plaiiiiiiit"

En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde
Elle m'a dit de la guider
Au coeur des forêts profondes

Je ne me suis pas fait prier
J'ai pris sa main dans la mienne
Lui demandant un baiser
Pour le salaire de ma peine.

Après m'être fait payé
Je ne savais plus que faire
Je ne pensais qu'à augmenter
Le montant de mon salaire

Mais j'ai vu à son regard
Qu'il fallait tenir parole
Et la conduire sans retard
Jusque dans le frais des saules.

Arrivés où elle voulait
J'ai dit "ce n'était pas si loin
Je vous doit de la monnaie
Et je lui baisais la main.

Je pourrais vous la laisser
Nous sommes dans une chapelle
Les elfes nous ont mariés
Dans le chant des tourterelles.

En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde
Elle m'a dit de la guider
Au coeur des forêts profondes.

Et mes filles ont appris et chanté la chanson. La tramontane est un vent magique.

mercredi 2 novembre 2011

Divin sourire

Chance

L'enfant pierre a bien de la chance
Dormir quand son fauteuil balance
Sa tête frèle deci delà
Au rythme précautionneux de nos pas.

Oui, il a bien de la chance
Ne pas courir en son enfance
Quand ses soeurs triment
Grimpent, escaladent, courent vers la déprime.

Oui, il a bien de la chance
Et c'est dit sans malveillance
Par ces maladroits passant qui passent
Bien à l'aise dans leurs godasses.

Et quand ses mots restent coincés
Dans sa gorge, emprisonnés
Que dans ses yeux et son sourire
Tout son amour vient s'épanouir,

Il y a aussi une bonne âme
Surprise d'être la plaie et la lame
Pour échaper cette évidence
"Vous avez bien de la chance".

Serial sourire

Ce qui me frappe dans mes petites histoires, c'est à quel point il me faut réfléchir pour accoucher d'une souris, d'un sourire en l'occurrence. Et le plus troublant dans cette histoire, c'est que dans mon petit milieu, je suis connu comme "philosophe" : quand un collègue, un ami a des soucis, je suis souvent sollicité et souvent remercié alors que tout cela a été écrit, porté un nombre de fois incalculable. Je ne fais que répéter la leçon du Bouddha ou de La Fontaine (cf. le renard et les raisins), celle de la vierge de miséricorde  vous savez celle qui accueille le naufragé les bras ouverts en souriant. Que sont les statues des dieux si ce n'est une invitation à les imiter, jusque dans leurs postures. Les peintres et les sculpteurs connaissent depuis des siècles le sens culturel des positions. Nul besoin de texte dans leurs oeuvres, pour les comprendre. Pourquoi tout ceci n'est-il pas enseigné, nous avons les connaissances pour être infiniment plus heureux que nous ne le sommes. Nous passons des heures et des heures sur des savoirs dont nous n'aurons pour beaucoup que faire, mais qui nous apprend à reconnaître, controller, maîtriser, changer nos émotions pour ne garder que les meilleures, celles qui rendent la vie agréable et douce ? Pis encore, nombre nous raconte de drôles d'histoires sur la la vie, j'écoutais récemment les remarquables conférences de M. Onffray sur M.Reich pronant pour guérir le monde moderne de ses névroses d'une vie sexuelle satisfaisante, libre, le sexe, cette obsession du siècle. Certes être malbaisé(e) peut probablement générer des névroses, des angoisses, du mal-être mais si tout se fait avant six ans, être mal-aimé(e) est largement suffisant, le sexe venant en écho dans la vie adulte, le corps ayant d'autres besoins.  :    

Echo

Il est des hommes au diapason,
D'une journée ou d'une saison.
Une jeune femme comme un printemps
Que l'on espère, que l'on attend,
Un beau sourire, un beau regard
Comme ce ciel profond et rare,
Où l'hiver se dissout
Dans ce soleil luisant mais doux,
Me donnera-t-elle ce bonheur
Que je rêve aux premières fleurs
Inspiré par ses bleus iris
Précieux comme les Myosotis.