En cette période de disette, il nous faut nous serrer la ceinture. Étant français, je suis un nanti – par rapport à la moyenne de la population mondiale, cela ne souffre aucune discussion. Qui plus est, étant donné nos revenus, ma femme et moi, nous sommes des nantis parmi les nantis. Oh ne phantasmez pas, nous gagnons moins de la moitié à nous deux qu’un ami de mon épouse qui est parti exercer son art dans le privé. Nous sommes nantis certes mais moins que nous pourrions l’être si nous avions le sens de l’entreprise ou si mon épouse acceptait de faire un travail à l’encontre de ses valeurs – le romantisme à un coût. De même, j’ai peut-être perdu des capacités de nantissement en faisant du syndicalisme au lieu de me consacrer pleinement à ma carrière – le romantisme coûte décidément bien cher. Donc je suis un nanti qui ne l’a pas fait exprès, un peu honteux d’être nanti mais satisfait de l’être car il est agréable de ne jamais s’interroger si ses enfants vont manger le soir, ni où ils vont dormir. D’ailleurs nous sommes prêts à l’être davantage, car l’agrément du nantissement est bien plus fort que sa honte – enfin chez une partie de la population dont il faut exclure Saint François d’Assise, Mère Thérésa, l’abbé Pierre et tant d’autres figures magnifiques du don de soi… Mais ils seront nantis au Paradis et pas nous, bien fait !
Aujourd'hui notre plus grand risque de perdre notre statut de nantis est la séparation – risque très fiable néanmoins, je crois. L’angoisse est tout de même présente car étant culturellement inapte à la cuisine – mes parents ont complètement raté mon éducation de ce point de vue et je mets une heure et demie à faire un quatre quart, car mélanger le beurre et la farine, sans avoir fait fondre le beurre c’est très long, ceci étant une des blagues familiales sur le sujet - si je perds mon épouse, la question lancinante « mes enfants vont-ils manger ce soir ? » se posera une semaine sur deux. Donc préservons nous du plus fort risque de récession, de la perte de notre statut de nantis, luttons contre la hausse des séparations en répartissant l’amour équitablement.
Voici mon programme, contrairement au gouvernement, je maintiens les biens culturels à un faible taux car la femme du poète n’est pas obligatoirement poète. Il faut savoir orienter les efforts.
Taxe
Je te taxerai mon amour sur tout ce que tu aimes,
Sur toutes tes amours, je prélèverai ma part
Sur ton amour des bois, des forêts, des frênes
J'en veux mon écot, vois donc en moi le chêne
Qui protège ta vie contre les mauvais vents
Vois dans mes sourires la branche qui frissonne
Et cliquette le soir dans un chant apaisant.
Sur nos enfants ma douce, en harpagon fieffé
J'y prétends de 50, à moi la part du lion
A y prendre moins il faudra que je meure
Si tu veux m'en ôter, prend soin de me tuer
De peur que d'amant, je me change en dragon.
Sur les instants cachés, sur toutes tes pudeurs
Sur ta peaux de soie, ta belle chevelure
Sur tes yeux de saphirs, tes lèvres de rubis
Et le vin enfin que je bois à ta bouche
J'en veux un bon tiers car c'est affaire de luxe.
Les 2 tiers sont à toi. Fais en ce que tu veux
Mais saches ma princesse qu'en bon avaricieux
Si j'accapare pour moi un peu de tes richesses
J'accepte volontiers tes dons et tes largesses
Surtout s'ils sont faits à titre gracieux
Mais pour la poésie, ce bien si culturel
Cette prise de chou, cet ennui, cette mort
Je ne te prendrai rien, ou si peu
5 pourcents, pas plus, Il faut bien t'inciter
Beaucoup pour en avoir un peu.
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