lundi 2 septembre 2013

Poète maudit ?

Comme je l'ai fait un nombre multiple de fois, j'ai composé un poème sous l'influence d'une de mes collègues dont le brun des cheveux et du regard faisaient un beau contraste sur sa peau légèrement sombre. Cela n'était pas sans évoquer Soulage, grand peintre qui a beaucoup travaillé sur le noir. J'ai l'habitude de remercier mes muses en leur envoyant le résultat de ce qu'elles provoquent. J'ai été mal reçu bien que le poème ne comprenait aucun sous-entendu et était accompagné comme toujours de précautions oratoires sur son caractère innocent. J'avoue que j'aime et que je déteste cette situation.

Je la déteste parce que elle est  désagréable. Je me suis fait plaisir, j'ai voulu le partager et j'ai été inopportun et incompris.

Mais j'aime cette situation parce qu'elle pose des questions, notamment celle-ci : pourquoi peut-il être considéré comme indécent d'envoyer un poème - sans sous-entendu, proposition...   à une femme ?   Cela n'était pas le premier mais le second, "mais le premier était court " m'a-t-elle dit, comme si la longueur avait une influence (5 strophes de 4 vers, vous pensez si c'est long !  Décidément un poème finalement est toujours trop long). Il s'était passé bien 1 an entre les deux envois dont plus 6 mois sans que je la revois. J'ai connu des séducteurs plus empressés.  Et puis si la poésie était un moyen de séduction, je le saurai. Réellement, l'effet le plus visible est la différenciation : c'est un poète, sous-entendu un fou, un benêt.... pas beaucoup de points communs avec le parfait prince charmant.

Un de mes collègues qui lui dit tous les jours, qu'elle est "son soleil" est factuellement bien plus insistant même s'il est - je pense - tout aussi innocent que moi. Cependant il a 10 ans de plus et peut-être n'est-il pas perçu comme un danger. Qu'est-ce donc qui est craint ? Pourquoi la forme poétique pose-t-elle un problème supérieur ? Parce qu'elle est plus puissante ? Mais ne faut-il pas juger d'une puissance sur sa puissance ou sur sa finalité ? Faut-il craindre le feu ? celui du bûcher ou celui de la bougie ? Celui qui détruit ou celui qui éclaire ?  Cela pose la question de nos jugements toujours très instinctifs.

J'aime aussi la poésie pour cela, la rime dans sa contrainte assumée a parfois plus d'intelligence que mon esprit qui ignore les siennes.

 
Poème à la muse qui ne se savait pas

Ah, mon dieu, quel crime
Je vous ai envoyé des rimes
Et j'ai osé sur le papier
Parler de votre beauté.


Par pitié, pardonnez moi
Je ne voulais causer votre émoi
Car c'est vraiment un jeu d'enfant
De s'amuser en rimant.

C'est un  bien étrange légo
D'emboîter  ainsi les mots
C'est mon vice et ma folie
Le plus grand plaisir de ma vie.

Je sais c'est très mal élevé
D'avoir ainsi voulu jouer
Avec vous sans vous prévenir
Qu'il n'y a rien à retenir.


Qu'un simple sourire amusé
A l'influence de votre beauté
Sur mon piètre esprit  si bête
Qu'il se rêve parfois poète.


Navré que vous n'ayez souri
Mes vers n'étaient pas réussis
Ou peut-être ne savez vous pas qu'existe
Cette race étrange des artistes.

Ou peut-être jamais rencontré
De ces grands inadaptés,
Qui laissent la beauté, l'innocence
Prendre barre sur leur existence.

Certains prennent des photos
D'autres jouent avec les mots
D'autres les doigts plein de peinture,

Tous révèlent une autre nature.

Ce que les autres voient à peine
Ils s'échinent à perdre haleine
A en souligner le miracle,
Et à en être aussi l'oracle.


Ainsi voilà vous êtes une muse
Vous l'ignorez, si je ne m'abuse,
C'est votre droit de vouloir l'ignorer
Je n'ai plus qu'à m'incliner.


Je repars avec mon poème
Et ma pauvre âme à la peine
Triste que trois mots de joie
Puissent provoquer de l'effroi.

Et  demeurant toujours pervers
Si j'écris encore quelques vers
Dictés par l'un de vos charmes
N'ayez pas le cœur en alarme.

Je ne les dirai plus qu'au vent
A peine nés, déjà néant
Ainsi en est-il de la poésie

Comme de la beauté de la vie.  




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