Un de mes amis me disait que les relations hommes femmes sont toujours compliquées car marquées d’ambiguïté liée à une possible arrière-pensée sexuelle. Cela est finalement très étonnant, car il admettait avec moi que ses plus grands moments de plaisirs étaient plus liés à des illuminations, des crises d’admiration si l’on préfère qu’à des rapports sexuels.
Force est de constater que dans notre culture, dans les représentations classiques – cinéma, littérature, les femmes expriment plus bruyamment leurs plaisirs que les hommes, et de là à penser qu’elles en prennent plus, il n’y a qu’un pas. Elles laissent à l’homme ce plaisir subtil lié à cette fierté virile d’avoir donné du plaisir, d’être dans le regard de sa partenaire et donc dans son propre regard un « Homme ». À moins que le soupir des anges ne soit qu’un pieu mensonge comme le chante si bien Brassens. À mon âge, je n’ai plus à me convaincre que je suis un être humain et être un « homme » m’intéresse peu car jouer à qui pisse le plus loin m’indiffère. J’avoue trouver assez stupide de chercher à donner du plaisir à quelqu’un qui m’est peu, au risque de faire souffrir ma femme qui m’est tant et par contrecoup mes enfants et donc moi par la suite alors que mon plaisir le plus intense consiste à admirer le ciel, la nature, des œuvres d’art, les êtres humains… plaisir profond, gratuit et sans risque.
J’ai la sensation assez désagréable que notre culture fait beaucoup trop de cas du sexe – dont la signification étymologique est : « qui coupe », le sexe coupe l’humanité en deux – qu’il faudrait le ramener à sa juste place (très loin derrière le sommeil, la nourriture, les arts/divertissements, le travail…) et j’ai également la sensation que cette exagération nous prive de la moitié de la richesse humaine, ce qui est une perte considérable.
Pour lever l’ambiguïté, je porte ostensiblement deux alliances et parle très souvent de ma femme et de mes enfants, et en bien. Le fait que ce blog commence par des poèmes sur ce sujet n’est pas un hasard. Malgré toutes ces précautions, nouer une simple relation amicale avec une femme est compliquée et finalement il m’est souvent plus facile d’avoir des échanges forts avec des hommes qu’avec des femmes. Quand on sait le plaisir d’être accueilli tel que l’on est, on conçoit que ne pas l’être, pis être accueilli avec méfiance voire mépris par des personnes que l’on estime, peut être infiniment destructeur. Le prix que nous payons à cette surreprésentation sexuelle est exorbitant. Saluons donc la venue du « genre » dans l’éducation, car si le sexe sépare l’humanité en deux, le genre étymologiquement lié à la génération, à cette communauté de vie et de destins, peut permettre de l’apprécier dans sa richesse. Ne dit-on pas le genre humain.
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Je suis toujours au milieu du guet
Bientôt, mais pas encore mort noyé
Je sens l’eau froide qui s’insinue
Entre la pierre glissante et mes pieds nus
La mousse chevelue qui résiste au courant
Me chatouille la plante et me rend hésitant.
Et les quatre jeunes filles qui marchent sur la rive
Parlent entre elles sans voir ce qui m’arrive,
J’aime les quatre et une plus encore
Et j’aimerais le leur dire, avant, que survienne la mort.
Mais mon pied glisse, se cogne à chaque pas
Comme leurs yeux se refusent, je ne l’accroche pas
Ce regard tendre et doux dont j’ai toujours rêvé
C’est dans l’indifférence que je vais me noyer
Et je force pourtant malgré mes pieds blessés
Dans le flot qui forcit, s’apprête à m’emporter.
Et les quatre jeunes femmes qui marchent sur la rive
Rient entre elles, voient-elles ce qui m’arrive ?
J’aime les quatre et une plus encore
J’aimerais le leur dire avant que survienne ma mort.
Le guet n’est pas un guet, et le sable s’enfuit
Sous mon pied qui creuse avidement le lit
Du fleuve où plus rien n’est solide,
La vie file, s’enfuit, liquide
L’eau me happe, froide et noire
Comme happe la nuit, la peur, le désespoir.
Et les quatre femmes qui marchent sur la rive
Parlent entre elles sans voir ce qui m’arrive,
J’aime les quatre et une plus encore
Ignorantes à jamais de ce que fut mon sort.
Mon cadavre a rejoint l’eau calme du delta
Il roule dans les algues, il fait un bon repas
Aux crabes, aux asters, aux autres nécrophages
Dont les coques demain blanchiront sur la plage
Le vent ne reprendra aucun de ces doux mots,
Morts noyés dans le fleuve. La vie n’a pas d’écho.
Et quatre vielles femmes assises sur la rive
Se plaignent, se lamentent que jamais rien n’arrive,
Jamais rien ni personne ne traverse le guet
Et c’est en vain, hélas qu’elles auront fait le guet.
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