lundi 25 juillet 2011

Dol

La poésie est un divertissement, un parmi tant d’autres, mais il est des jours où se divertir est essentiel quand l’esprit, envahi par la peur, revient de manière quasi-masochiste à un avenir sombre qui n’est pas encore présent et qu’il sera toujours l’heure d’affronter le moment venu. A y réfléchir, c’est encore une recherche d’équilibre entre la beauté et la dureté du monde mais ici plus formellement entre deux avenirs l’un d’une grande dureté émotionnelle et l’autre dans la paix du recueillement et de la prise de recul. Emmanuel Carrère raconte dans « d’autres vies que la mienne » comment un époux s’assomme de jeux video en attendant le décès de son épouse. La poésie a cela d’intéressant comme divertissement comparativement au jeu video ou d’autres échappatoires, est qu’en nommant la peine, la douleur, il est possible de s’en détacher davantage. Comme toujours, il s’agît d’affronter les situations ou de les fuir, sachant que la fuite est une stratégie parfois intéressante. La meilleure étant peut-être celle du dernier des Horace affrontant l’un après l’autre ses ennemis blessés en mêlant fuite et affrontement. Peut-être est-ce la grandeur de la poésie, de l’art en général, son équilibre : décrire l’horreur par le beau ou tout au moins par le symbolique, la fuite par la forme pour un affrontement sur le fond…     

Ca y est !

Ca y est, ton père va mourir
Il n’y a pas d’endroit où fuir
Et même la philosophie
Devient un passe temps gratuit.

Pourquoi donc ai-je tant de peine
Je savais qu’il n’avait pas de veine
Quand c’salaud de crabe l’a attaqué
Je savais qu’il était condamné.

J’ai beau essayé de rester froid
Mon salaud d’esprit ne veut pas
Il m’oblige, c’est dégueulasse,
A voir le futur en face.

Hein p’tit con comment vas-tu faire
- C’est cela qui te désespère -
Pour le dire à sa petite fille,
Pas moyen d’être tranquille.

C’est sûr devant ses yeux clairs
Tu ne sauras pas comment faire
Comment lui dire, lui expliquer
C’est tellement dur à avaler.

Elle en avait encore besoin
De papy qu’était au p’tit soin
Lui qui avait appris à sourire
En la voyant éclater de rire.

Ils formaient pourtant une belle paire
Et l’un des deux va au cimetière
Et l’autre va rester là
A s’écouler dedans mes bras.

Ce n’est pas facile de consoler
Ma mère qui va s’effondrer
Mais que dire à une enfant
« Que la vie, c’est pas toujours marrant » ?

J’ai beau dire qu’il me faut sourire
M’ordonner « pauvre crétin respire ! 
C’est qu’un mauvais moment à passer
T’as pas le choix, t’es obligé.»

N’empêche que c’est difficile
D’annoncer cela à sa fille,
Que j’aime vraiment plus que tout
Que je veux protéger de tout.

Et puis à son frère, à sa sœur,
Mon Dieu, j’en ai marre d’être en pleur
C’est pas possible y a une fuite
J’ai attrapé une sinusite.

Ce soir, demain j’irai marcher
Jusqu'à un endroit élevé
Je ne sais pourquoi le ciel
Dans ces instants toujours m’appelle.

Il y aura forcément une croix
Une chapelle ou une Santa Maria,
Et juste sous le ciel bleu
Je m’assiérai, ça ira mieux.

Je me sentirai tout petit
Dans ce paysage infini
Ma peine deviendra tout petite
A condition de le dire vite.

A regarder le crucifié
Ou bien sa maman en pitié
Que ne faut-il pas de malheur
Pour que s’adoucissent les cœurs.

Et même dans les fugues de Bach
Je ne le cite pas, pour faire le crack
Il faut de bien sombres arpèges
Pour que les aigus nous élèvent.

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