lundi 26 décembre 2011

L'amour ( ,?) sauve qui peut (.,!)?

Un de mes amis a reçu une déclaration d’amour. Un amour auquel, il ne répond pas en retour et d’autant moins qu’il est marié. Que faire ? Il y a les tenants de la fuite : l’amoureux est capable des pires folies, évitons le, sa souffrance en sera réduite. Et les tenants du calme, après tout l’amour est un beau sentiment, un merveilleux sentiment qui a tant de chose à nous dire sur nous-même. Le problème n’est pas tant l’amour que le désir qu’avec un peu de philo, il est assez simple de réduire au silence.


Sérénade à la sérénité

Je t’aime mon amour mais ne te désire pas
Comme un savant poème qu’on murmure tout bas
Une antique prière récitée en silence
Pour éloigner de soi inquiétude et souffrance.

Je t’espère mon amour mais je ne t’attends pas
Comme un parfum d’été retrouvé avec joie
Ton esprit dans le mien amène des sourires
Et que j’offre aux autres partageant mon plaisir

Je t’aime mon amour comme un rai de lumière
Déplaçant en son sein l’or de la poussière
Révélant la beauté partout où elle se cache

Me fait rire de ce monde dont je me détache
Ces frêles vanités dont nous n’avons que faire
Et qui nous laisse en bouche un acre goût de terre.

vendredi 23 décembre 2011

Diffraction

La lumière filtre parfois sous les portes. Elle peut être suffisante pour s’orienter et trouver une sortie.


Espérance

Trouver la crique où reposer
Ne plus chercher à s’opposer
Au courant où la vie vous mène
Où le destin vous ramène,
Accepter qu’il n’y ait aucun sens
A notre vie, notre présence
Aucun sens qui nous soit visible
Et en rester impassible,
Ne pas chercher la reconnaissance
Où il n’y a qu’indifférence
Où notre mort n’apparaîtrait
Que comme un évènement abstrait,
Il est là puis il n’est plus,
Un de moins ou un de plus,
Tout en sachant se réjouir
De ces brefs moments de plaisir
Où l’autre est prêt à échanger
Ce petit rien d’humanité,
Un sourire, un peu de lumière
Pour jouer avec la poussière
Que nous sommes, que nous demeurons
Malgré toute notre agitation.

vendredi 16 décembre 2011

Mise en Abîmes

Nombre de nos problèmes se résolvent par la parole, finalement par la mise face à face de nos pensées pour peu que cela soit fait honnêtement sans volonté de nuire, une mise en abîmes comme nous pouvons le faire avec deux miroirs, qui reflètent à l'infini l'autre en nous et nous en l'autre. A la différence que nos esprits sont certainement et des miroirs et des tableaux, et que nos mémoires, nos mirmoires possèdent quelques facultés de rémanence pour en conserver les motifs les plus précieux. A nous de choisir les images que nous voulons conserver, lumières ou ombres, illuminations ou désirs.


Abîmes

Nous sommes le miroir de nos âmes
Où se reflètent les flammes 
De nos désirs inavoués
À Satan par nos aïeux voués
 
Au plus profond de l'Enfer
La vie n'a qu'un goût de terre    
L'eau ? Celui des larmes amères        
La mort est celle qui libère. 
 
Étrange force de la vie
Dans cette sombre folie  
Quand la peur et le mal étouffe
De ne pas tuer le souffle.      
 
Comment rompre la malédiction
Mettre fin à la méfiliation   
Briser la chaîne de la violence   
Qui nous attache depuis l'enfance.   
 
Il suffit pourtant d'un rien
Un sourire ou une main
Tendue pour sortir de la fange
Simplement croiser un ange.
 
Un porteur de lumière
L'âme lisse comme du verre
Reflètant dans la vôtre à l'infini  
La bonté qu'il y a mis. 
   

mardi 13 décembre 2011

Soyons sérieux, ayons de l’humour

Après qu’un collègue m'a invité dans mon bureau à proclamer «  la beauté du c.. des filles » sous peine soit d’être considéré comme un menteur ou pire comme un fou au « surmoi surdimensionné » incapable d’écouter sa nature profonde, j’ai eu deux comportements. Le premier parfaitement contrôlé consista à réfléchir via la littérature à savoir lequel de nous deux était le plus probablement dans le mensonge, le deuxième quasi contre mon gré de m’intéresser davantage à cette partie de l’anatomie humaine, tant il est vrai que j’avais déjà savouré le plaisir de l’admiration du corps féminin et que je m’interrogeais sur une possible hypocrisie de ma part.
J’arrivais assez facilement à trouver chez les écrivains des exemples des deux extrêmes entre un Sade objectivant autrui à l’ultime degré et un Verlaine qui dans « [S]on rêve familier » appelle la mort non par manque de sexe, mais de compassion, tendresse... Il y aurait beaucoup à dire sur la qualité des exemples choisis mais entre ceux qui vont jusqu’à l’assassinat pour aller au bout de leurs appétits charnels (charnels ? réellement ?)  et les autres qui vont jusqu’au suicide parce qu’ils ne trouvent plus dans l’attitude d’autrui de quoi « rafraichir leurs fronts brulants », donc dans les deux cas, mort d’homme, les derniers me semblent les plus nombreux : nous avons une dizaine d’histoires sexuelles sordides en France chaque année et environ 10 000 suicides – chiffre terrible s’il en est. La gaussienne me semble donc décalée davantage vers ceux pour qui l’amour est vital que vers ceux pour qui le sexe est vital, mortel conviendrait mieux. Sachant toutefois que l’un comme l’autre sont importants mais à des degrés différents. Cette réflexion s’est trouvée étayée par non collègue lui-même qui m’a avoué un jour le peu d’importance du physique lors d’une de ses expériences amoureuses majeures.
Quant à la deuxième expérience, j’avoue que je n’ai tiré que très peu de plaisir à porter plus d’attention aux postérieurs des femmes, j’avais l’impression de perdre mon temps, un peu comme quand par fainéantise je fais un sudoku dans femme actuelle – que je sais que je vais réussir- au lieu de lire un roman même divertissant mais qui m’apportera un peu de surprise. Je me laisse aller à la mécanique – quoi de plus mécanique que le sudoku ? – au lieu de laisser une chance à la surprise, à la liberté, au hasard, à la vie, à la beauté. Au passage nous pourrions nous interroger sur la différence entre la mécanique et la vie – Au mieux cela génère de l’apathie au pire un désir frustré.
Cette expérience nous sommes très nombreux à l’avoir faite et mon collègue l’a fait de toute évidence, mais témoigner de cette réalité face au groupe lui était impossible. Tout d’abord j’ai cru qu’il fallait montrer qu’il est possible d’exprimer clairement sa sensibilité comme je l’ai fait en écrivant et récitant en public le poème « tableau ». A la réflexion, cela demande trop d’énergie, il faut être habité pour porter cela. En revanche, le mensonge n’a pas seulement le défaut d’être contraire à la réalité mais il est également très souvent risible. Finalement c’est la voie poétique de Brassens. Je m'y suis essayé :

Balade à nos belles amies
ou
Apologie de l’amour platonique
ou
La Beauté & le désir
Ou
Le sourire ou les hanches

Tes sourires ou bien tes hanches,  
Aujourd’hui mon cœur s’épanche,
Comprendre quelle est la part
De toi qui me rend si hagard
Et quand heureux, je t’aperçois
Finalement qui me foudroie.

Ah bien sûr, tes belles hanches
Quand magnifiques elles se balancent
Leurs rondeurs que tant soulignent
De ta taille la douce ligne  
Me rendraient l’esprit coquin…
Mais à temps je me retiens
Et réprime le fatal geste
Qui rendrait ta main bien leste
Me giflant et criant « infâme  
Salaud ! Pense donc à ta femme !!!! »

C’est vrai, de ce point de vue
Ma femme est fort bien pourvue
Quand elle se glisse sous la couette
Elle sait bien réveiller la bête
Qui sommeille la sainte journée
Mais qu’éveille le bout de son nez.
Il est vrai ce serait benêt
Finalement que de divorcer
Causer tant de malheur, de tristesse
Pour une banale paire de fesses,
La quitter, ce serait crétin
Pour ce caractère si commun.

Car enfin à bien réfléchir
Ce qui nous fait vraiment fléchir
Pour Circé ou bien Sophie
Est-ce donc cette anatomie ?
Les femmes qui ont tant d’esprit
Pour trouver ce qui nous séduit
Souliers plats ou talons aiguilles
Pantalons, jupes ou mantilles
Décolletés ou col-Claudine
Cuir brillant, dentelle fine,
N’ont finalement pas exploré
Ce qu’offrirait la variété
De formes du bas de leurs dos
Pour nous rendre à moitié idiots.  

Imaginons cinq secondes
Comme les plantes sont fécondes
A produire mille sortes de fleurs
Les femmes varient leurs postérieurs.
L’esthète dirait « je ne m’afflige
Que pour les venus callipyges »
Le moine rêverait, se flagellant
Des trilobes d’arches romans.
Le skieur crierait lubrique
« Vivent les culs paraboliques »,
Le moderne épris d’art abstrait
Chercherait un fessier carré
Et enfin l’original
Une raie bien horizontale.  

Les imbéciles nationalistes
Se rendraient la vie bien triste :
L’irlandais « moi, je n’effeuille
Que des derrières à quatre feuilles »
Le gallois  « je ne peux être ardent
Pour des reins manquant de piquant »
L’anglais irait morose
N’aimant que ceux sentant la rose
L’écossais ne saurait penaud
Quoi faire de son poireau
Et le coq français et fier
Irait aux folies-Bergère
Siffler les poules de la troupe
Pour les plumes ornant leurs croupes

Songes bien irréalistes
Rien de cela bien sûr n’existe
Si cela avait tant d’effet
La nature l’aurait déjà fait.

Parfois en te regardant
Je m’imagine promenant
Dans ces endroits que j’ai aimés
Jardins, montagnes et forêts.
C’est là l’effet de ta beauté
Hors de moi me faire voyager.
Mais voir cette pauvre gamine
Qui certes a la taille fine
Tatouée, piercée, peroxydée
Dont les fesses bodybuildés
Ne portent pas, c’est flagrant  
Le poids des accouchements
Ne m’a jamais fait cauchemarder
Qu’au parking d’un supermarché.

D’ailleurs, mes plus beaux moments
Avec toi sont au restaurant
Quand je savoure rasséréné
La douceur d'être apprécié,
Cette sensation sans prix
De se croire parfois compris.
Mais pas à cause de ton cul
Tu es toujours assise dessus.

C’est donc bien ton sourire,
Qui me charme qui m’enivre
La vivacité de ton esprit
Qui m’a complètement conquis.
Qu’importe donc la bagatelle
Nous serons tous les deux fidèles
Toi à ton mari, moi ma femme
Il n’y aura donc pas d’infâme.
Ce ne sera pas compliqué
Ne sont-ils presque parfaits ?
N’ont-ils pas eu le bon goût
De nous choisir pour époux ?
Ne nous soutiennent-ils pas tous les jours
De la force de leurs amours ?
 
Mais, si je te fais un compliment
N’imagine pas que je te mens,
Que j’ai de vilaines pensées
Ce stade je l’ai dépassé.
Ne t’effraie pas si je m’amuse
A te prendre pour ma muse,
Il me faut bien exprimer
La force de mon amitié.
Je comprends enfin Baudelaire
Qui composant une prière,
« Son enfant, sa sœur » nommait
Celle qu’il avait tant aimée.
Ainsi ta beauté m’éclaire
Le monde de sa lumière,
Me change en philosophe, poète
Reprenant leur flambeau, je répète :
« Si le désir n’est pas désirable
La beauté, elle, est admirable »  

dimanche 11 décembre 2011

C'est de saison

Le chocolat

Plus que les douceurs, ma reine,
Mon petit chou à la crème,
J’aime ton air de gourmandise
Tes yeux brillant de convoitise
Et tes doigts parés et fins
Plongeant dans le ballotin
Pour saisir sans hésiter
Le chocolat tant désiré
Le blanc bossu, le noir carré
Ou le beau marron glacé.

A la couleur de tes joues
Je m’imagine leurs goûts,
Aux pincements de tes lèvres
Quel parfum avait la fève
Quels arômes délicieux
Te font si bien fermer les yeux,
Un goût de noix, un zest’ d’orange
Et tu ressembles à un ange,
Sculpté à la renaissance
Goûtant aux plaisirs des sens.

Et quand je veux vérifier
Si je t’ai bien devinée,
Je retrouve leurs saveurs
Sur tes lèvres faisant un cœur.

jeudi 8 décembre 2011

Aboutissement

Comme nombre d’entre nous, j’ai été au chômage pendant, j’ai fait l’armée et j’ai travaillé comme thésard à l’université, j’ai eu donc l’occasion d’être humilié, méprisé, insulté… cela a généré beaucoup de douleurs et de souffrances – pauvre petit garçon riche dans un pays en paix. Cette souffrance s’est transformée en haine, en révolte qui entretenait la souffrance. La seule façon raisonnable, réaliste de briser le cercle, c’est de pardonner les autres mais soi également, en demandant le pardon c’est mieux. Là vous croisez la philosophie chrétienne dont vous vous demandez si sur ce sujet elle est dépassable.  
Quand vous avez eu une illumination pour votre épouse, que cette illumination, vous l’avez mise en vers à une vitesse qui vous impressionne vous-même, vous pouvez également vous interroger : « Ce poème est-il dépassable ? » D’autant plus quand il s’appuie sur une expérience vécue et des vers de Baudelaire qui retrace probablement aussi une réalité profonde.

 
Le pays qui te ressemble        
                               
                                Mon enfant, ma sœur
                                Songe à la douceur
                                D’aller là-bas vivre
                                Ensemble
                                Aimer à loisir
                                Aimer puis mourir
                                Au pays qui te ressemble

                                C. Baudelaire

Cette beauté est la tienne mais ne t’appartient pas.
Elle sourd à chaque geste, à chacun de tes pas.
Elle tient de la forêt sur les hauts des plateaux,
Des chemins sablonneux qui suivent les ruisseaux,
Des murs gris sous le vent que verdit le lichen
Guidant les noirs troupeaux partant vers Compostelle,
De la Vierge figée sur son puy de basalte
Le regard perdu dans le bleu de cobalt
D’un(e) bande d’horizon, le soir au crépuscule,
De ces légers nuages attachés à la lune.
Elle a l’or du clocher montrant du doigt le ciel
Paré d’étoiles rouges sur le mur couleur miel.
Elle a l’apesanteur  de ce grand reliquaire
A moitié dans le vide, à moitié sur la terre
Ce grand puits de silence en plein cœur de la ville
Bruissant en contrebas d’un ru d’automobiles.
Elle est aussi secrète que ce cloître caché
Dans ce fouillis de murs, ces murs entrelacés
Cette noire pyramide unie à la colline
Suspend ce vert jardin comme la mer une île.
Un espace clos ouvert seul sur le ciel
Un paradis perdu dans les murs de Babel
Une beauté qui a une saveur de Genèse
Souvenir d’un volcan, dont s’est éteint la braise
Dont je sens les échos quand le tambour roule  
D’un pâtre mexicain qui amuse la foule.
Parfois l’après-midi, je m’éloigne de toi
Je pars me promener mais je reste avec toi
Une étrange beauté s’exhale sous mes pas
Cette beauté est la tienne mais ne t’appartient pas.
       

Si vous connaissez la ville du Puy où mon épouse est née, c'est plus clair. La cathédrale à moitié construite sur le vide, la vierge sur le mont Anis, ancien volcan d'où l'on voit le plateau du Devès, les forêts sur les gardes -sommet volcaniques - et le chemin pour St Jacques de Compostelle, le magnifique cloître roman caché dans un labyrinthe de rues, le clocher illuminé posé à part qui m'a amené à ce poème. Il y a également un festival de folklore où les troupes de pays lointains viennent jouer en pleine rue - d'où le pâtre mexicain - et dont les rythmes et les rondes m'avaient tant ému comme les échos d'un temps ancien de joies simples que nous aurions presque oubliées....  
Pour ceux qui veulent voir de belles photos du Puy : http://www.phototrevis.com/contenu.php?id_cat=7&id_scat=11&id_page=38

vendredi 2 décembre 2011

Hors cadre

Mon ami Éric fait de la photographie. Ce qu’il aime dans cette pratique c’est autant de fixer un instant qu’il a trouvé magique que d’y trouver également des détails qu’il n’y avait pas vus, que d’être surpris par le rendu du papier.
Il en est de même de la poésie. En revenant dessus on peut y trouver des pépites.
En repensant au texte du « tableau » outre les variations lumineuses, j’y ai trouvé des variations d’attitudes. Dans les personnes décrites, il y a celle qui donne beaucoup et prend peu, celle qui prend et donne peu, celle dont on ne sait ce qu’elle donnera, celle qui donne autant que ce qu’elle reçoit. Et dans la strophe concernant Christelle, puisqu’il s’agit d’elle, il y a autant d’elle que de moi, comme si il se passait une rencontre. Et c’est exactement ce qui s’était produit.
Nous sommes l’un et l’autre très différents, la relation a été tendue pendant un temps certain. Mais je n’avais pas le choix, il me fallait travailler avec elle. Cela s’est totalement modifié le jour où j’ai décidé de la rencontrer réellement. Je l’ai invitée au restaurant et nous avons simplement parlé de nous. Je me suis appliqué à me montrer comme un être humain et non comme un livre. Après ce moment-là, notre collaboration a été un vrai plaisir bien que nous fussions restés tout aussi différents qu’auparavant. Mais nous avions confiance l’un en l’autre.
C’est-elle qui sans le savoir et de par sa différence m’a poussé à écrire non mon premier poème, mais mon premier poème assumé. Une fois fini, j’étais moi-même surpris. « Je sais faire ça ? moi ? ». La rencontre modifie non seulement la vision que nous avons de l'autre, mais également du monde et plus encore de soi. C'est un bienfait dont il faut veiller à ne pas se prémunir. « L’autre est le plus court chemin de soi vers soi » disait Emmanuel Levinas. Il me semble bien qu’il ait raison.

Rencontre

Ta beauté est de celle que je ne connais pas
De celle qui me manque, que je ne comprends pas
Je suis pauvre de toi, qu’importent tes richesses
Pauvreté n’est en rien source de tristesse

Tu parais devant moi comme un roman nouveau
Dont la vie magnanime m’aurait fait le cadeau
Je plongerai bientôt au fond de cette histoire
Je lirai passionné le soir jusque fort tard.

A l’aurore fatigué, j’ouvrirai la fenêtre
Donnant sur le jardin et le frais du matin
Portera dans la chambre effluves et parfums

Le soleil sur le monde finira de paraître
La lumière, les odeurs, tout sera différent.
La vie aura ta grâce esquissée par le vent.

mardi 29 novembre 2011

L'impulsion

L’impulsion

J’ai commencé par raconter l’acte de reconnaissance de mon état de poète, être appris par des enfants dans une école. Ingénieur, j’avais besoin d’être légitime comme poète avant de m’exposer sur la toile, mais je n’ai pas raconté l’impulsion qui me semble pourtant porteuse de sens sur ce qu’est la poésie.
Imaginez-vous au milieu de 50 collègues invités par vos soins, avec un individu, Michaël, votre filleul en entreprise, brillant, plein d’humour, apprécié de beaucoup, qui vous assène un discours où toutes vos particularités sont gentiment brocardées et qui se termine par « Chris, tu es le seul homme que je connaisse, qui prétende aimer les femmes pour leurs esprits ». À ce moment-là, vous avez plusieurs solutions.
La première est de ne pas relever et de laisser cette étiquette si classique de bite-sur-patte collée au front de l’ensemble des hommes présents et de femmes objets sur celui des femmes. Ceci n’est absolument pas raisonnable. Ni les uns ni les autres n’ont mérité cela et vous ne les avez pas invités pour qu’ils se fassent insulter, même avec le sourire et dans le sous-entendu.
La seconde est de contester cette affirmation péremptoire. Malheureusement dans un milieu masculin comme la mécanique, dans notre société moderne où les références sexuelles sont omniprésentes, le risque d’être traité d’hypocrite, de menteur, de niais, est extrêmement important. La moindre approximation peut déclencher le rire et à ce jeu la caricature sera toujours gagnante.
Si vous n’êtes pas trop niais justement, vous avez entendu venir la caricature avec ses gros sabots et vous avez pu vous préparer. Comment exprimer la beauté des femmes qui vous entourent sans provoquer le rire ? En utilisant le langage fait pour exprimer la beauté : la poésie. Celles des grands de préférence. Il y a toujours un écho poétique chez quelqu’un. Pour ne pas être trop long, je  me suis restreint à mes plus proches collègues :
  • Bopha, charmante femme d’origine asiatique, m’a toujours évoqué la seconde strophe du « serpent qui danse » de Baudelaire, l’évocation du levant, du voyage,
  • Muriel, jolie blonde aux yeux clairs qui m’était presqu’inconnue, me soufflait des vers de Musset,
  • Agnès superbe de douceur que j’avais connu dans la peine « Sois sage, ô ma douleur ».
  • Manquait Christelle, danseuse ravissante qui avait pourtant tourneboulé nombre d’individus.
Mais pour elle, pas de référence car la poésie française s’intéresse peu aux danseuses. Je ne pouvais pas être injuste et en laisser une de côté. « Aide toi, le ciel t’aidera. » J’ai essayé de l’écrire moi-même et l’ai récité en y mettant le ton.
Pendant la récitation, il y a eu quelques interjections, d’étonnement, de surprise. À la fin de ce poème, il y a eu un silence, comme si des choses importantes avaient été dites. Il y avait de l’eau dans certains regards. Michaël a réagi plus tard, en me disant la mine un peu contrite « Toi seul a la puissance de faire ça », ce qui n’est pas plus vrai que la fin de son discours car nous avons tous la puissance de témoigner de nos véritables idées, nos expériences, mais cela le dédouanait surtout de sa soumission à l’idée qu’il se faisait du groupe. Si nous ne défendons pas nos idées et les gens qui nous sont chers, qui le fera ?
Certains m’en ont parlé à l’occasion, plus que la folie nécessaire pour le faire, ils en ont perçu l’énergie et la cohérence. J’ai appris ce jour-là, qu’il est possible d’aller très loin dans l’expression du sentiment, de la pensée à condition d’y mettre la forme et cela m’a servi dans des moments plus douloureux.
La poésie n’a pas pour vocation de mettre un petit ornement à la vie, mais bien d’en exprimer la beauté, la profondeur, la puissance, de se battre contre les préjugés pour se défendre et défendre ses valeurs, ses précieux. Vu l’énergie et le travail qu’elle demande, elle tient plus de l’art martial que de la dentelle.  
 

La lumière du tableau

Vous prétendez, des femmes mesurer la beauté
Et c’est en centimètres que vous l’évalueriez,
Vous vendriez au poids les statues du Bernin
Les toiles de maître ? Comme du papier peint !
Ma muse n’est pas d’accord et me dicte à l’oreille
Cinq strophes maladroites pour quatre sans-pareilles
Afin de souligner que les femmes, ô merveilles
D’avec trois fois rien notre vie ensoleillent,
Que la beauté surtout est affaire de vision,
Non celle d’un désir, mais d’une contemplation.
Mais si elles se trompaient sur mes intentions
Et allaient m’en vouloir de mes déclamations.
Oh, je fais confiance en leur intelligence,
Elles verront dans mes vers ce qu’il y a d’innocence
On peut de l’harmonie aimer une chapelle
Sans pour autant vouloir en profaner l’autel.
Pour mon pauvre filleul, je veux être parrain
Le hisser sur les pointes de pieds d’alexandrins
Afin qu’il détache ses yeux de leurs rondeurs
Et admire des femmes enfin la vraie splendeur
La vraie richesse, l’âme, la lumière intérieure.
Ami, cessons d’entre nous la lutte fratricide
Écoute de notre service l’

Ephéméride.

Telle l’aube annoncée par le chant des oiseaux
Les rires la précèdent en leurs brefs échos
Puis Aurore réveillant de ses longs doigts rosés
La nature engourdie dans les plis de la nuit,
Elle frôle les esprits de sa belle ironie.
Humour, charme, grâce, tout est ici osé
Pour magnifier du jour la première lueur
Et faire d’un Bonjour, la plus douce des heures.
Et mon bureau s’éclaire d’un sourire  lumineux  
Que surlignent gaiement les arches de ses yeux
Par ma porte entrouverte, je vois poindre Bopha
Et le soleil se lève pour la seconde fois.  

Sur ce visage, pas d’ombre, de la franchise,
L’or. Tout s’y lit, l’ennui, l’envie, la méprise
L’énergie, la gaîté comme en un livre clair  
Parfois un sourire fuse. En un éclair
Tout s’embrase, crac, le feu suit l’étincelle
Qui jaillit brusquement dans les yeux de Christelle
À cet instant, Elle a, la beauté de l’enfance
Dont seules peuvent se parer les âmes innocentes
De l’heure de midi juste, la lumière éclatante,
D’un âge d’or antique sous un ciel de Provence
Que seuls viennent troubler les discrets bruissements
Des feuilles de l’Olivier(1) caressées par le vent
   
Agnès, ma belle Agnès, ne sois pas impatiente
Laisse-moi te parler de ces moments perdus
Ces histoires déjà mortes et pourtant palpitantes
Attend, Agnès, attend, j’attends l’heure suspendue
Où le soleil à l’ouest, n’est que braise orangée
Consumant les volutes que tracent à la sanguine
Des nuages élimés que le vent amine
Où au levant la nuit descend calme et bleutée
J’attends l’heure complice où le ciel te ressemble,
Où l’or de ton regard au roux soleil s’assemble,
Où ta douceur, du soir souligne l’harmonie
Pour calmer mon angoisse et ma mélancolie.

Comment chanter une beauté que je ne connais pas
De quelle étoile es-tu, Muriel, de quelle loi ?
Serais-tu de Venus, la première au couchant
Que les prêtres renomment étoile du Berger
Croyant par cette ruse enfantine en ôter
Tous les charmes, invincibles pourtant
Es-tu de la nuit noire, de la grande Ourse ?
Une amie des poètes, d’inspiration la source.
De la belle Artémis, cette farouche vierge
La lune en diadème, de la nuit le cierge.  
A moins que d’Hadrien (2), Tu n’aies pris le modèle  
Athéna, Le stoïcien n’avait d’yeux que pour elle
N’importe, Comme toute femme un mystère, si beau,
Un rêve doux et blanc tel le lait de ta peau,
Doré comme le miel de ta chevelure,
Un sanctuaire secret que scelle la Nature
Semblable en tout point à la terre promise,
Canaan, qu’au Sinaï, a tant rêvée Moïse
Que tous les philistins rêvent d’assujettir.
Mais que Josué seul, aura su conquérir.

Adieu et Merci,  
J’aurai vécu heureux entouré de vos grâces,
Goûtant parfois ému, à ce trop rare miracle
Voir, Entouré d’aveugles, et le temps d’un café
La course du soleil sur un pays rêvé.

(1) Nom de son conjoint
(2) Nom de son fils

vendredi 25 novembre 2011

Les chemins de la connaissance

Décidément, ce blog, c’est le bazar. J’ai quelques jolis poèmes sous le coude, quelques histoires intéressantes à raconter, j’entre pas à pas dans le sujet – les masques. Et plaf, une muse passe et je me disperse, plutôt une muse m’envoie un mail, me téléphone, je n’ai même pas besoin de la voir et tout se mêle : l’adoption d’un chaton, la beauté de l’automne, mes réflexions sur le doute et la foi, sur l’équilibre dynamique nécessaire à la vie… Quel bazar ! Que vont comprendre mes rares lecteurs ? Et mes enfants ? Car j’ai bien l’intention de les aider à éviter les masques en leur donnant un jour accès à ces petits poèmes. Évidemment, ils préfèreront vraisemblablement admirer l’écume du jour, mais sait-on jamais. De toute façon, il faut essayer. Mais que vont-ils comprendre à ce bric-à-brac.
Oh, ils s’y promèneront peut-être comme aujourd'hui, lorsque nous sortons, percevant non seulement le paysage déployé devant eux mais admirant aussi le caillou, le lichen, la branche cassée échouée dans le fossé…Finalement, ce n’est pas si mal ce foisonnement, comme si le blog reprenait les motifs foisonnants des poèmes, de la vie même… Oups
 
Stop ! Allons plutôt nous promener, avec Frédéric, mon amimuse du jour. Hé oui, l’amitié à un genre linguistique mais pas de genre réel, pourquoi la poésie en aurait un ?
 
Mon ami

Allons promener au jardin
Nous y causerons un brin
Simplement, en bras de chemise
De la douceur de la brise,
 
De la somptuosité des roses
Aux mille pétales encloses
Et des mille difficultés
Rencontrées pour les cultiver.
En marchant sur le gazon
Pour mieux sentir sous nos talons
La souplesse de la terre
Nous irons jusqu'à nous taire.
 
Et sous le cerisier en fleur
Dans son ombre et sa fraicheur
Nous évoquerons la volupté
Qui succède à la beauté.
Les premiers pétales qui tombent
Nous rappelleront que la tombe
Malheureusement attend
Même le beau et le charmant.
 
Mais nous nous souviendrons aussi
Que le tour que nous faisons ici
N'est certes pas le premier
Vraisemblablement pas le dernier.
 
Ce plaisir qui se donne à nous
Est bien sûr d'autant plus doux
Que ce n'est pas la première fois
Que nous marchons toi et moi
 
Dans ces allées semées de fleurs
Qui nous grisent de leurs odeurs
Où nos souvenirs embellissent
Les arbres fruitiers qui fleurissent.

Ainsi ce qui est achevé
Ne l'est jamais tout à fait
Tant qu'un de nous verra le jour
Nos sourires vivront toujours.
 
Quand disparaîtra  le dernier
Plus personne pour nous regretter
Un autre printemps viendra
Le cerisier refleurira.

mardi 22 novembre 2011

Douter de sa foi ? Non, avoir foi dans le doute.

Vous avez peut-être remarqué que j’effectue une petite recherche personnelle sur les vérités paradoxales, c'est-à-dire équilibrées, celles qui contiennent deux propositions radicales entre lesquelles il nous faut trouver notre propre équilibre en fonction de nous, de nos corps – malades ou non – de notre culture, de notre situation sociale, afin d’atteindre un équilibre global, statique sur les sujets qui ne sont pas sources de conflits internes ou externes et dynamique sur les sujets non encore résolus dans le but d’augmenter les moments de bonheur pour moi et pour mes précieux, parents, amis et pourquoi pas inconnus. La recherche d’un équilibre et statique et dynamique, voilà un semblant de paradoxe mais qui ressemble à la vie même constituée de phase de déplacement et de repos.
Par ailleurs pour toucher au bonheur, la confiance est nécessaire mais l’esprit critique, le doute aussi. Ainsi pourrait-on résumer cette pensée : J’ai confiance dans le doute, ou son principe inverse, je doute de la confiance. Les deux sont recevables mais je retiendrai la première proposition qui contient une impulsion positive comme premier argument. La vie s’inspire souvent de la première impulsion, les motifs cristallins, fractals se répètent à partir du premier motif, en minéralogie, en biologie, en science humaine. Marx ne disait-il pas que la nature des échanges économiques conditionne la mégastructure idéologique – si j’ai bien compris M. Onfray.


Une collègue minaudait ce matin, oscillant entre flatterie et compliment entre vérité et mensonge. J’aurais pu la transformer en chipie. Etant poète, j’ai préféré la changer en muse. L'impulsion est prépondérante.    


Le poète Midas

Me prend-elle pour une souris
A mélanger les flatteries
Et les compliments mérités
Mêlant mensonge et vérité.

S'agace-t-elle de mon ego
Moi comme tous, sans égaux,
Ni modeste ni condescendant
Si commun mais si différent.

Mais j'attraperai cette chatte
Sans qu'elle me donne un coup de patte
Et la prendrai sur genoux
En la caressant dans le cou,

Je la ferai ronronner,
Heureuse de se laisser aller
Mes doigts glissant dans sa fourrure
Je savourerai ses murmures,

Ou pas,

Et tant pis si elle s'échappe
Vulgairement parlant, je m'en tape
Heureux de la voir sauter
Dans sa féline féminité,

Toujours heureux, quoi qu'il m'arrive
Sur l'eau ou bien sur la rive,
Faisant or de tout ce que j'écoute,
Dans le savoir ou dans le doute.

lundi 21 novembre 2011

Le mâle masqué

Il arrive que dans la multinationale où je travaille, le personnel change de poste. Cela donne lieu à des petits déjeuners ou des apéritifs où quelques petits discours sont faits sur la personne sur le départ. Cela m’est arrivé. Comme je suis légèrement décalé en termes de valeurs, de centres d’intérêt par rapport aux autres ingénieurs et chefs de projets alentours, j’ai eu droit ce jour-là à un petit discours très intéressant d’un de mes collègues pour me signifier à quel point j’étais un être improbable. Je me souviens du point de conclusion « Tu es le seul homme affirmant qu’il aime les femmes pour leur esprit ».Je n’ai jamais dit une chose pareille, mais plus précisément que la beauté était une résonance psychologique agréable d’une personne pour un objet ou une personne. Ce qui est intéressant, c’est que le même homme m’a ultérieurement avoué qu’il était tombé amoureux d’une femme simplement en lisant des lettres sur internet. Lorsque je l’ai interrogé sur la raison pour laquelle, il tenait en public des positions plus triviales et usuelles sur la beauté féminine – mesures en cm sur certaines parties du corps pour être plus clair – plutôt que de partager une telle expérience, il répartit aussitôt : « Tu es fou, ce n’est pas le même public ». Une partie des mâles sont masqués et fort mal masqués. Serge Gainsbourg, qui en portait un fort laid d’érotomane alcoolique, a d’ailleurs dit : « J’ai mis un maque il y a 20 ans, maintenant je n’ai plus la force de l’enlever ».
Une de mes amies a vécu avec un de ces individus, intelligent, prévenant, gentil mais qui en public se transformait en acteur soiffard vulgaire et grossier. Il lui avoua qu’elle était la seule femme avec laquelle, il se sentait en paix et libre, avec qui il pouvait parler. Mais il l’a finalement quittée, incapable d’abandonner son masque. Je n’irai pas jusqu’à dire que les hommes sont les premières victimes du machisme, ce serait indécent, mais je crois qu’ils le sont également :

Le macho

Je cache ma beauté comme une faiblesse
Je te tairai mes pleurs, mes élans de tendresses
Tu n’auras de moi qu’un masque ridicule
Pour sourire qu’un rictus, une laide ridule

Je ferai devant tous d’immondes insultes
Je vouerai au porno un véritable culte
Je passerai des heures devant des jeux idiots
Faisant de footballeurs de véritables héros

À mes proches, amis, je donnerai mon fiel
Ma vie se passera dans ce triste théâtre
Caveau de marbre noir solide comme le plâtre

Donnant aux inconnus ce qui ferait leur miel
Les vers qui m’émeuvent, ne me sont arrachés
Qu’ivre mort, quand ma peur dans l’alcool s’est noyée.

samedi 19 novembre 2011

AVIDES !

« L’avidité rompt le sac » dit un proverbe espagnol. La perte d’équilibre entraîne la chute, quel truisme ! Pourtant il me semble que nombreuses sont les illustrations de cette évidence aujourd'hui : illustration écologique, économique, amoureuse, sociale, politique… J’ai écrit ce poème face aux appétits d’un syndicat allié aux volontés hégémoniques un peu trop exacerbées. Il irait tout aussi bien à la direction de mon entreprise qui quoique fortement bénéficiaire s’interroge sur comment l’être davantage et peut-être à moi-même qui ai repris des lasagnes aux carottes hier au soir :

L’appétit

Se peut-il qu’il soit si hideux
Le spectacle de tes yeux
Avec lequel tu attaques
Les mets qui sont sur la table

Pas un mot avant de t’asseoir
Tu n’irais pas jusqu'à surseoir
Un instant ton coup de canine
Dans cette chair diaphane, fine.

Tu romps la chair et le pain
De tes grosses et larges mains
Laissant d’amples tâches de graisse
Sur tes cuisses qui s’affaissent.

Ah quel spectacle odieux
De te voir si radieux
D’avoir comblé pour un instant
Tes plus bas et sales instincts

Nourriture, sexe ou pouvoir
Qu’importe ce qui te fait mouvoir
A ton absence de retenue
Tu seras toujours reconnu.

Partout tu seras toujours seul
Et jusqu'à l’heure du linceul
Car tu n’as pas conscience d’autrui
Quand te mène ton appétit.

Il te faudrait la présence
D’une idée, de l’élégance
Te faire prendre un peu de recul
Et t’amener jusqu'au calcul.

C’est en toi qu’il te faudrait chercher
Ce qui enfin te comblerait
Sinon comme tant bien avant toi
Ton appétit te dévorera !

jeudi 17 novembre 2011

Répartissons les efforts

En cette période de disette, il nous faut nous serrer la ceinture. Étant français, je suis un nanti – par rapport à la moyenne de la population mondiale, cela ne souffre aucune discussion. Qui plus est, étant donné nos revenus, ma femme et moi, nous sommes des nantis parmi les nantis. Oh ne phantasmez pas, nous gagnons moins de la moitié à nous deux qu’un ami de mon épouse qui est parti exercer son art dans le privé. Nous sommes nantis certes mais moins que nous pourrions l’être si nous avions le sens de l’entreprise ou si mon épouse acceptait de faire un travail à l’encontre de ses valeurs – le romantisme à un coût. De même, j’ai peut-être perdu des capacités de nantissement en faisant du syndicalisme au lieu de me consacrer pleinement à ma carrière – le romantisme coûte décidément bien cher. Donc je suis un nanti qui ne l’a pas fait exprès, un peu honteux d’être nanti mais satisfait de l’être car il est agréable de ne jamais s’interroger si ses enfants vont manger le soir, ni où ils vont dormir. D’ailleurs nous sommes prêts à l’être davantage, car l’agrément du nantissement est bien plus fort que sa honte – enfin chez une partie de la population dont il faut exclure Saint François d’Assise, Mère Thérésa, l’abbé Pierre et tant d’autres figures magnifiques du don de soi… Mais ils seront nantis au Paradis et pas nous, bien fait !
Aujourd'hui notre plus grand risque de perdre notre statut de nantis est la séparation – risque très fiable néanmoins, je crois. L’angoisse est tout de même présente car étant culturellement inapte à la cuisine – mes parents ont complètement raté mon éducation de ce point de vue et je mets une heure et demie à faire un quatre quart, car mélanger le beurre et la farine, sans avoir fait fondre le beurre c’est très long, ceci étant une des blagues familiales sur le sujet - si je perds mon épouse, la question lancinante « mes enfants vont-ils manger ce soir ? » se posera une semaine sur deux. Donc préservons nous du plus fort risque de récession, de la perte de notre statut de nantis, luttons contre la hausse des séparations en répartissant l’amour équitablement.
Voici mon programme, contrairement au gouvernement, je maintiens les biens culturels à un faible taux car la femme du poète n’est pas obligatoirement poète. Il faut savoir orienter les efforts.    


Taxe


Je te taxerai mon amour sur tout ce que tu aimes,
Sur toutes tes amours, je prélèverai ma part

Sur ton amour des bois, des forêts, des frênes
J'en veux mon écot, vois donc en moi le chêne
Qui protège ta vie contre les mauvais vents
Vois dans mes sourires la branche qui frissonne
Et cliquette le soir dans un chant apaisant.

Sur nos enfants ma douce, en harpagon fieffé
J'y prétends de 50, à moi la part du lion
A y prendre moins il faudra que je meure
Si tu veux m'en ôter, prend soin de me tuer
De peur que d'amant, je me change en dragon.  
         
Sur les instants cachés, sur toutes tes pudeurs
Sur ta peaux de soie, ta belle chevelure
Sur tes yeux de saphirs, tes lèvres de rubis
Et le vin enfin que je bois à ta bouche
J'en veux un bon tiers car c'est affaire de luxe.

Les 2 tiers sont à toi. Fais en ce que tu veux
Mais saches ma princesse qu'en bon avaricieux
Si j'accapare pour moi un peu de tes richesses
J'accepte volontiers tes dons et tes largesses
Surtout s'ils sont faits à titre gracieux  

Mais pour la poésie, ce bien si culturel
Cette prise de chou, cet ennui, cette mort
Je ne te prendrai rien, ou si peu
5 pourcents, pas plus, Il faut bien t'inciter
Beaucoup pour en avoir un peu.

mercredi 9 novembre 2011

Beauté présente

Nous pouvons vivre dans le regret du passé et la peur de l’avenir mais nous pouvons également vivre dans le souvenir ébloui du passé, l’espoir dans l’avenir et la beauté du présent. Bien entendu, le passé est ce qu’il est, mais mon esprit à tendance à l’enjoliver et c’est bien. Quant à l’avenir, son terme mettra fin aux inconvénients qu’il y a à vivre, c’est donc bien aussi. Et quant au présent, il y a toujours les semelles de vent dont peut se chausser notre esprit. En vivant la maladie et la mort de nos proches, il peut nous arriver d’attendre, d’attendre un examen, la fin d’une thérapie. Mais il arrive que ce temps d’attente soit le dernier, pouvons-nous le vivre ou pas, pouvons-nous éviter de nous consommer dans l’anxiété ou pas ? Et comment ?
Cherchant une date de Rendez-vous avec une amie qui ne venait que fort tard, elle plaisanta sur le temps d’attente et sa « nécessité », j’avais par ailleurs une envie folle de faire un poème sur l’automne, sa diversité sa beauté et son embrasement, je vous laisse juge si ce poème est une déclaration d’amour à une femme, une saison, ou à la poésie. 
     

Rêve d’Automne
 

Plus de dix jours sans la voir
Sans même croiser son regard,
Cette attente me tourmente
Je tourne, j’erre, je me lamente
Comme le vent à ma fenêtre
Qui grince, murmure et tempête
Agitant les arbres des champs
Pour en accompagner son chant.
 
Me laisserai-je désespérer ? 
Non, Je vais plutôt la rêver,
La parer de soies multicolores
D’un bleu d’aube liseré d’or
Du rouge vif d’un merisier
La flamme jaune du peuplier
Ou la braise cendrée du hêtre
Tranchant du buis la robe verte,
Comme si ses formes divines
Étaient semblables à des collines
Que l’automne pare et enflamme
Comme sa beauté brûle mon âme.
Je savourerai ainsi mon attente
Dans cette vision crépitante
Sachant qu’elle sera finie
Avec l’automne et sa poésie.
 
Car elle sera professionnelle
Froide et conventionnelle,
De gris, de blanc ou de noir vêtue,
Le long hiver sera venu.
À moins que pour me réchauffer
Je brûle dans ma cheminée
Ce bois dont j’ai tant rêvé...

lundi 7 novembre 2011

Jeu d'enfant

J'étais sur les hauteurs d'Ille sur Tet, admirant la plaine du Roussillon et la tramontane soufflait. C'est incroyable ce qu'elle avait comme rythme. De quoi inspirer Brassens et Trenet et même moi. Je saisis mon carnet, note deux vers et "Papa, qu'est-ce que tu fais ?" "Un poème" .... "moi aussi écoute :

"En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde...

Tu m'aides à faire la suite, papa, S'il TE plaiiiiiiit"

En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde
Elle m'a dit de la guider
Au coeur des forêts profondes

Je ne me suis pas fait prier
J'ai pris sa main dans la mienne
Lui demandant un baiser
Pour le salaire de ma peine.

Après m'être fait payé
Je ne savais plus que faire
Je ne pensais qu'à augmenter
Le montant de mon salaire

Mais j'ai vu à son regard
Qu'il fallait tenir parole
Et la conduire sans retard
Jusque dans le frais des saules.

Arrivés où elle voulait
J'ai dit "ce n'était pas si loin
Je vous doit de la monnaie
Et je lui baisais la main.

Je pourrais vous la laisser
Nous sommes dans une chapelle
Les elfes nous ont mariés
Dans le chant des tourterelles.

En partant sur le sentier
J'ai trouvé l'amour vagabonde
Elle m'a dit de la guider
Au coeur des forêts profondes.

Et mes filles ont appris et chanté la chanson. La tramontane est un vent magique.

mercredi 2 novembre 2011

Divin sourire

Chance

L'enfant pierre a bien de la chance
Dormir quand son fauteuil balance
Sa tête frèle deci delà
Au rythme précautionneux de nos pas.

Oui, il a bien de la chance
Ne pas courir en son enfance
Quand ses soeurs triment
Grimpent, escaladent, courent vers la déprime.

Oui, il a bien de la chance
Et c'est dit sans malveillance
Par ces maladroits passant qui passent
Bien à l'aise dans leurs godasses.

Et quand ses mots restent coincés
Dans sa gorge, emprisonnés
Que dans ses yeux et son sourire
Tout son amour vient s'épanouir,

Il y a aussi une bonne âme
Surprise d'être la plaie et la lame
Pour échaper cette évidence
"Vous avez bien de la chance".

Serial sourire

Ce qui me frappe dans mes petites histoires, c'est à quel point il me faut réfléchir pour accoucher d'une souris, d'un sourire en l'occurrence. Et le plus troublant dans cette histoire, c'est que dans mon petit milieu, je suis connu comme "philosophe" : quand un collègue, un ami a des soucis, je suis souvent sollicité et souvent remercié alors que tout cela a été écrit, porté un nombre de fois incalculable. Je ne fais que répéter la leçon du Bouddha ou de La Fontaine (cf. le renard et les raisins), celle de la vierge de miséricorde  vous savez celle qui accueille le naufragé les bras ouverts en souriant. Que sont les statues des dieux si ce n'est une invitation à les imiter, jusque dans leurs postures. Les peintres et les sculpteurs connaissent depuis des siècles le sens culturel des positions. Nul besoin de texte dans leurs oeuvres, pour les comprendre. Pourquoi tout ceci n'est-il pas enseigné, nous avons les connaissances pour être infiniment plus heureux que nous ne le sommes. Nous passons des heures et des heures sur des savoirs dont nous n'aurons pour beaucoup que faire, mais qui nous apprend à reconnaître, controller, maîtriser, changer nos émotions pour ne garder que les meilleures, celles qui rendent la vie agréable et douce ? Pis encore, nombre nous raconte de drôles d'histoires sur la la vie, j'écoutais récemment les remarquables conférences de M. Onffray sur M.Reich pronant pour guérir le monde moderne de ses névroses d'une vie sexuelle satisfaisante, libre, le sexe, cette obsession du siècle. Certes être malbaisé(e) peut probablement générer des névroses, des angoisses, du mal-être mais si tout se fait avant six ans, être mal-aimé(e) est largement suffisant, le sexe venant en écho dans la vie adulte, le corps ayant d'autres besoins.  :    

Echo

Il est des hommes au diapason,
D'une journée ou d'une saison.
Une jeune femme comme un printemps
Que l'on espère, que l'on attend,
Un beau sourire, un beau regard
Comme ce ciel profond et rare,
Où l'hiver se dissout
Dans ce soleil luisant mais doux,
Me donnera-t-elle ce bonheur
Que je rêve aux premières fleurs
Inspiré par ses bleus iris
Précieux comme les Myosotis.

vendredi 21 octobre 2011

Éros

Une muse nommée Valérie - citons nos sources - se plaignit un jour à mes oreilles de n’oser porter un tailleur qu’elle avait acheté depuis fort longtemps. Bien que très jolie, elle n’osait se mettre en jupe. Ah ! Ne faut-il pas aider nos semblables à assumer leurs envies quand elles sont innocentes. J’entamais le texte « Un corps de rêve Dans un tailleur chic », elle modifia le premier vers avec raison augmentant la magie de l’évocation. Le reste du poème s’est écrit d’un trait. J’aime la longueur des vers variant et rappelant la forme d’une voile, ou d’autre chose. Et ma muse du jour vint en tailleur. La poésie est un outil de libération. 

Appareillage

Un corps et un esprit de rêve
Dans un tailleur chic
De quoi avoir la fièvre
D’oublier son éthique.
Si cintré à la taille
Qu’il appelle mes mains
A en trouver la faille
Jusqu’à ta peau satin.
Qui frémit fraîche et douce
Sous le vent de mes paumes
Qui tend mais sans secousse
Ton corps comme la baume
D’un voilier glissant sous le zéphyr
Ta chemise se tend au souffle du désir
Reflétant le ciel et l’éclat du saphir
Ton regard noir ne tend  plus qu’à me saisir.
A tes lèvres effleurées j’ai goûté les embruns
Le parfum enivrant exhalé par ta peau
J’ai senti sur mon torse la pointe de tes seins
J’ai laissé mon esprit partir au fil de l’eau.

La chaleur dans mon ventre
Retombe à petit feu,
Sur tes paroles, je me recentre
Peu à peu. 
Un corps et un esprit de rêve
Dans un tailleur chic
Sans bouger de ma chaise
J’ai couru l’Atlantique.

jeudi 20 octobre 2011

Égoïsme altruiste

Comme dit si bien ma femme, je ramène tout à moi :

Bon anniversaire

Pourrais-je pour son anniversaire
Lui offrir simplement quelques vers
Assez taquins pour la surprendre
Mais sans qu’elle puisse mal les prendre.
Des vers frais, comme un mot d’enfant
Dont nous sourions un instant,
Mais dont l’étrange poésie
L’inattendu, la facétie
Imprègnent le reste de sa journée
D’un léger parfum de gaité.
Demeurant au coin de ses lèvres
Comme la trace d’un rêve.

Suis-je donc si égoïste
Pour qu' à ce point j’insiste
Malgré la date du jour
Où elle est reine en sa cour
De m’offrir cet immense plaisir
De l’éclosion de son sourire.

mercredi 19 octobre 2011

Désacralisons les idoles du jour

Au bureau les résultats de l’équipe de France de Rugby face aux joueurs des îles Tonga, ont fait grand bruit. Pour ma part j’ignorais même qu’il y avait un match. Et puis le dimanche matin j’écoute les émissions religieuses de France Culture. Je ne sais jamais qui va gagner dans cette rencontre dominicale entre Dieu, Yahvé et la raison raisonnante – il y a aussi les libres penseurs – mais j’aime ces matches où il n’y a jamais un coup bas, mais des actions serrées pour pousser mon esprit hésitant qui sur la voix du matérialisme athée, qui sur celle du monothéisme stricte, qui sur celle d’un monothéisme polythéiste où la femme et les arts – deux (ou un ?) de mes penchants profonds - tiennent une place majeure… et comme en sport, à peine la rencontre est-elle terminée que la prochaine est en préparation.
Du coup les nouvelles idoles du sport me laissent froid. Je ne retrouve pas dans les chants des supporters la beauté des orgues de la messe, dans ces athlètes bodybuldés la grâce hellénistique de certaines pietà ou de vierge en majesté, quant aux textes, les évangiles des commentateurs sportifs est en-deça de l’affligeant. Ah si, il y a une innovation qui m’a réjoui au dernier mondial de football, l’attitude des footballeurs français, organiser une grève de millionnaires, ça c’était nouveau, créatif, différent, cela mérite bien quelques vers :

Baignade sur la grève des millionnaires !

Tous ces éphèbes sur le flanc
Dans le bush en maillots blancs
Lascives esclaves orientales
Pleurant leurs peines sentimentales :

"L'entraineur m' a mal parlé,
Il n'a vraiment aucun respect"
Le terrain est une arène
Ou se déverse leur peine.

Tant et plus de larmes salées
Sur ce sable immaculé
Ont changé l'aride désert

En une étendue amère
Une profonde et vaste mer
Bordant la grève des millionnaires.

lundi 17 octobre 2011

Ésotérisme pragmatique

Dans la vie, il y a des choses étranges. Moi l’athée, l’agnostique – j’oscille entre les deux nuances – je prie et plusieurs fois par jour encore, le plus souvent un « je vous salue, Marie » et chose étrange, cela me fait du bien, m’apaise et me renforce. Ma prière ne demande rien, ma prière n’est pour personne, ma prière est et elle balaye mes doutes, mon découragement et ma lassitude… Et cela ne marche pas avec le « bateau ivre », ou « l’examen de conscience », textes splendides et cela fonctionne un peu moins avec le « notre père » mais à un niveau similaire avec le sourire innocent, celui qu’on fait pour rien que j’ai chipé à Bouddha – c’est vous dire si je suis hérétique. N’en déplaise à mes amis catholiques, je continuerai cette pratique même si la vierge est pour moi un mythe qui représente l’impasse de notre idéal féminin : vierge et mère. Comme si la virginité avait un intérêt… pour un autre que celui qui l’est.    

L’âme forgée

Forger mon âme au marteau de prière
La rendre droite et forte, apte à croiser le fer
Avec les tentations, les lâchetés, les envies
Qui hantent mon esprit, enlaidissant ma vie.

Étrange force  blanche en ces doux mots d’airain
Exigeant le silence de ce pleutre qui geint
Qui a peur pour un rien, remet tout à demain
Dans un temps sans tension et sans nerfs et sans sens.

Qu’y a-t-il en ces mots pour qu’ils soient si puissants
Une  main caressante dont la force soutient
Une voix apaisante mais pleine d’espérance

Qui parle à l’adulte dans les mots de l’enfance.
Comment ça ! Une paix  illuminée d’espoir
Oui, comme les lueurs de l’aube contiennent celles du soir

jeudi 13 octobre 2011

Sérénité

Vous l’avez peut-être noté, j’aime beaucoup l’étymologie. Il existe un merveilleux dictionnaire dirigé par Alain Ray, le dictionnaire historique de la langue Française. Pour moi l’étymologie est aux mots ce que la poésie est au langage, son socle, son inconscient. Ainsi je rapproche sérénité et soir. Ce sentiment ne vient-il pas à la nuit tombante ou tombée, quand le monde s’endort, les couleurs s’apaisent, les bleus deviennent plus profonds ou plus doux et le ciel se tend de rose, puis de noir...

Cosmos

J’aime la douceur de la nuit
Quand nulle lampe n’éblouit
Quand le monde se dessine
En noir et en bleu marine,
Cette couleur si subtile
Ce Bleu où la lumière scintille
Au ciel au-dessus des collines
Quand le cosmos noir domine.
Étrange monde en vérité
Que cette toile d’or piquée
Qui fit s’extasier les poètes
Et aussi délirer les prêtres
D’où les esprits terre à terre
Tirèrent les lois de la matière,
Néant ne pouvant être à personne
Où tous les esprits résonnent.

J’aime ce monde étonnant
Ces petits éclats de diamant
Sont des mondes délités
Depuis des éternités.
Parfois mon esprit se perd
Dans le passé et sa poussière
Et je retrouve des beautés
Qui se sont évaporées.
Mon esprit est comme l’espace
Étoiles et vie ne sont que traces,
Mais si ma mémoire n’éclaire
Que quelques points de sa lumière
Je n’ai aucune nostalgie
Aucun regret de cette vie
Le présent brille de ces beautés posthumes 
Comme le soleil éclaire la lune.


Avec plus de talent, Baudelaire écrivait :
Sois sage, ô ma douleur et tiens toi plus tranquille,
Tu attendais le soir, il descend le voici...
...
Entends, entends la douce nuit qui marche

mardi 11 octobre 2011

Aurore

Un jour, j’attendais Aurore pour aller déjeuner. Cela m’a rappelé qu’adolescent j’adorais attendre l’aurore, sa lumière et son parfum. De là à la personnifier, il n’y avait qu’un pas.

Aurore

Ah, Ma belle dorée adorée
Que j'aime savourer la rosée
Que le matin a déposée
Sur tes fines lèvres rosées.
Les parfums de ton corps dormant
Sont si subtils et si troublants
Si chauds de ton profond sommeil
Mais frais déjà de ton éveil.
Et le silence de tes paupières
Closes gardant leur mystère
Souligne la grâce malicieuse
De ton sourire qui se creuse
Tandis que mes lèvres effleurent
La plus parfumée des fleurs.

Et j’attends ce précieux moment
Sourire aux lèvres, le cœur battant
Comme à l’aube qui blanchit
L’horizon quand meurt la nuit
J’attendais les fils de l’aurore
Quand les nuages se parent d’or.
Cet instant si merveilleux
Où je lis l’amour dans tes yeux
Où ta voix trouble le silence
Comme les chants d’oiseaux s’élancent
Aux premiers rayons du soleil
Dont les doigts rosissent le ciel.

vendredi 7 octobre 2011

Ambiguïté

Un de mes amis me disait que les relations hommes femmes sont toujours compliquées car marquées d’ambiguïté liée à une possible arrière-pensée sexuelle. Cela est finalement très étonnant, car il admettait avec moi que ses plus grands moments de plaisirs étaient plus liés à des illuminations, des crises d’admiration si l’on préfère qu’à des rapports sexuels.
Force est de constater que dans notre culture, dans les représentations classiques – cinéma, littérature, les femmes expriment plus bruyamment leurs plaisirs que les hommes, et de là à penser qu’elles en prennent plus, il n’y a qu’un pas. Elles laissent à l’homme ce plaisir subtil lié à cette fierté virile d’avoir donné du plaisir, d’être dans le regard de sa partenaire et donc dans son propre regard un « Homme ». À moins que le soupir des anges ne soit qu’un pieu mensonge comme le chante si bien Brassens. À mon âge, je n’ai plus à me convaincre que je suis un être humain et être un « homme » m’intéresse peu car jouer à qui pisse le plus loin m’indiffère. J’avoue trouver assez stupide de chercher à donner du plaisir à quelqu’un qui m’est peu, au risque de faire souffrir ma femme qui m’est tant et par contrecoup mes enfants et donc moi par la suite alors que mon plaisir le plus intense consiste à admirer le ciel, la nature, des œuvres d’art, les êtres humains… plaisir profond, gratuit et sans risque.
J’ai la sensation assez désagréable que notre culture fait beaucoup trop de cas du sexe – dont la signification étymologique est : « qui coupe », le sexe coupe l’humanité en deux – qu’il faudrait le ramener à sa juste place (très loin derrière le sommeil, la nourriture, les arts/divertissements, le travail…) et j’ai également la sensation que cette exagération nous prive de la moitié de la richesse humaine, ce qui est une perte considérable.
Pour lever l’ambiguïté, je porte ostensiblement deux alliances et parle très souvent de ma femme et de mes enfants, et en bien. Le fait que ce blog commence par des poèmes sur ce sujet n’est pas un hasard. Malgré toutes ces précautions, nouer une simple relation amicale avec une femme est compliquée et finalement il m’est souvent plus facile d’avoir des échanges forts avec des hommes qu’avec des femmes. Quand on sait le plaisir d’être accueilli tel que l’on est, on conçoit que ne pas l’être, pis être accueilli avec méfiance voire mépris par des personnes que l’on estime, peut être infiniment destructeur. Le prix que nous payons à cette surreprésentation sexuelle est exorbitant. Saluons donc la venue du « genre » dans l’éducation, car si le sexe sépare l’humanité en deux, le genre étymologiquement lié à la génération, à cette communauté de vie et de destins, peut permettre de l’apprécier dans sa richesse. Ne dit-on pas le genre humain.
 
Indifférence

Je suis toujours au milieu du guet
Bientôt, mais pas encore mort noyé
Je sens l’eau froide qui s’insinue
Entre la pierre glissante et mes pieds nus
La mousse chevelue qui résiste au courant
Me chatouille la plante et me rend hésitant.

Et les quatre jeunes filles qui marchent sur la rive
Parlent entre elles sans voir ce qui m’arrive,
J’aime les quatre et une plus encore
Et j’aimerais le leur dire, avant, que survienne la mort.

Mais mon pied glisse, se cogne à chaque pas
Comme leurs yeux se refusent, je ne l’accroche pas
Ce regard tendre et doux dont j’ai toujours rêvé
C’est dans l’indifférence que je vais me noyer
Et je force pourtant malgré mes pieds blessés
Dans le flot qui forcit, s’apprête à m’emporter.

Et les quatre jeunes femmes qui marchent sur la rive
Rient entre elles, voient-elles ce qui m’arrive ?
J’aime les quatre et une plus encore
J’aimerais le leur dire avant que survienne ma mort.

Le guet n’est pas un guet, et le sable s’enfuit
Sous mon pied qui creuse avidement le lit
Du fleuve où plus rien n’est solide,
La vie file, s’enfuit, liquide
L’eau me happe, froide et noire
Comme happe la nuit, la peur, le désespoir.

Et les quatre femmes qui marchent sur la rive
Parlent entre elles sans voir ce qui m’arrive,
J’aime les quatre et une plus encore
Ignorantes à jamais de ce que fut mon sort.

Mon cadavre a rejoint l’eau calme du delta
Il roule dans les algues, il fait un bon repas
Aux crabes, aux asters, aux autres nécrophages
Dont les coques demain blanchiront sur la plage
Le vent ne reprendra aucun de ces doux mots,
Morts noyés dans le fleuve. La vie n’a pas d’écho.

Et quatre vielles femmes assises sur la rive
Se plaignent, se lamentent que jamais rien n’arrive,
Jamais rien ni personne ne traverse le guet
Et c’est en vain, hélas qu’elles auront fait le guet.